adopté par la chambre des pairs. Mais le système d’une juridiction propre attribuée au conseil fut énergiquement soutenu dans la chambre des députés : deux commissions, qui avaient pour organes MM. Vatout et Dalloz, l’avaient adopté en 1837 et 1840; M. Vivien lui donnait l’appui de son autorité en le défendant à son tour dans ses études administratives. C’est à une faible majorité que la chambre des députés consacra enfin la tradition en vertu de laquelle, suivant une expression empruntée au langage d’avant 1789, la juridiction administrative suprême était retenue et non déléguée par le chef de l’état. La loi de 1845 exigeait seulement que, dans le cas où le gouvernement statuerait contrairement à l’avis du conseil d’état, la décision fût rendue de l’avis du conseil des ministres et insérée au Moniteur et au Bulletin des lois.
On justifiait la théorie de la justice retenue en soutenant qu’il y aurait des dangers pour la liberté de l’administration, sans laquelle sa responsabilité n’existerait plus, à ce qu’un corps placé au centre du pays contrôlât, au point de vue légal, les actes de toutes les autorités administratives, y compris le chef de l’état lui-même. On pensait que le chef de l’état seul pouvait remplir cette mission. Toutefois on avait institué des garanties pour les particuliers, en l’obligeant à prendre l’avis d’un conseil composé d’hommes expérimentés, assez mêlés au mouvement des affaires administratives pour en bien comprendre les besoins, assez désintéressés dans cette action pour pouvoir être impartiaux, et qui, depuis la réforme accomplie en 1831, statuaient dans les mêmes conditions que les tribunaux de l’ordre judiciaire. Du reste, il n’y avait là qu’une théorie, une fiction constitutionnelle. Dans la pratique, jamais le chef de l’état n’a pris un décret contraire à celui qui lui était proposé. Nous ne connaissons que deux affaires dans lesquelles la décision proposée par le conseil d’état n’ait pas été approuvée. Encore ne s’est-il produit qu’un retard de quelques années dans l’approbation[1]. Si regrettables que soient ces deux faits, ils sont du
- ↑ Sous la monarchie de juillet, en 1840, le roi refusa de signer un projet de décision sur une instance engagée par la liste civile contre des propriétaires qui prétendaient avoir, en vertu de ventes nationales, des droits de vue, d’accès et d’égout sur le bois de Vincennes. La décision était favorable au fond à la liste civile, mais le conseil avait admis que le ministre des finances avait le droit d’intervenir, à titre de représentant du domaine de l’état, dans cette instance, tandis que l’intendant général de la liste civile soutenait qu’il avait seul qualité pour plaider. La législation sur la liste civile ayant été modifiée sur ce point après 1852, l’affaire a été reprise et jugée à nouveau le 18 août 1856. Un fait analogue s’est produit pour un projet de décision adopté en 1852 par le conseil d’état et qui faisait droit à deux demandes que des magistrats de la cour de cassation, suspendus au mois de mars 1848 et réintégrés dans leurs fonctions le 10 août 1849, avaient formées à l’effet d’obtenir le paiement de leur traitement pendant la durée de la suspension. Le décret qui approuve la décision du conseil n’a été signé que le 4 mai 1861.