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s’opposent terme pour terme aussi bien chez l’homme que chez les animaux. — La réflexion et la volonté sont-elles pour quelque chose dans la formation des habitudes que traduisent les mouvemens rapportés par Darwin au principe de l’antithèse? Il est permis d’en douter. Tout ce qu’on peut conjecturer, c’est que les forces nerveuses mises en jeu par les sentimens qui se racontent au dehors suivent naturellement des voies opposées si ces sentimens sont opposés, sans que l’utilité suffise à expliquer dans les deux cas la divergence de direction. Quant à la raison du fait lui-même, on n’en peut donner d’autre qu’une convenance générale, une harmonie entre les mouvemens de l’organisme et les phénomènes de sensibilité.

Le troisième principe, M. Darwin l’appelle le principe de l’action directe du système nerveux. — Toute sensation vive engendre la force nerveuse en excès, et celle-ci est ordinairement transmise selon certaines lignes déterminées à l’avance, soit par les connexions des cellules nerveuses, soit par l’habitude; souvent, au contraire, l’afflux de la force nerveuse est, en apparence, interrompu. — C’est ainsi qu’une violente frayeur, parfois une joie intense, produisent un tremblement de tous les membres ; la force nerveuse, dégagée à la suite de l’émotion, rayonne par les nerfs dans tout le système musculaire, qu’elle ébranle convulsivement. Par là s’explique le blanchissement rapide des cheveux dans certains cas rares d’extrême angoisse. Cet afflux de force nerveuse que rien ne dirige suivra de préférence les voies les plus habituelles; aussi voit-on tout d’abord le visage se contracter dans la douleur, s’épanouir dans la joie, la respiration s’accélérer et devenir haletante, car les muscles faciaux et respiratoires sont ceux dont le jeu est le plus fréquent; les muscles des membres supérieurs entreront ensuite en action, puis ceux des membres inférieurs, enfin ceux du corps tout entier.

Ces trois principes, séparés ou combinés, rendent compte, selon M. Darwin, de tous les mouvemens expressifs, tant chez les animaux que chez l’homme. Il ne faut pas oublier que le rôle de l’hérédité est en tout ceci d’importance capitale; c’est elle qui transforme en actes instinctifs et quelquefois réflexes certaines habitudes utiles qui furent à l’origine des actes pleinement volontaires; c’est elle qui dessine dans l’organisme naissant les lignes de direction que suivra de préférence l’influx nerveux, et les oriente sur celles qui ont été le plus fréquemment suivies dans les organismes des ascendans. Chaque animal qui vient au jour apporte ainsi dans tous ses nerfs, dans tous ses muscles, dans tous ses membres, l’ébauche des mouvemens par lesquels se sont traduites les émotions des générations dont il est le dernier terme, et ses émotions