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général Nansouty. Là ils étudient les météores, les vents, les neiges, la pluie, les changemens de température. Dans ces tours, il y a des cellules où des ermites voués à la science consacrent leur vie à faire des observations.

Autant s’élèvent ces tours pour les expériences dans les hautes régions de l’air, autant s’enfoncent profondément des cavernes, des cavités, qui sont également à leur usage pour des expériences d’un autre genre, dans les entrailles de la terre. Les plus hautes tours s’élèvent à un demi-mille, les cavités les plus profondes n’ont pas moins d’un mille au-dessous de niveau de la terre. On voit cependant qu’il ne s’agit pas tout à fait de ce trou jusqu’au noyau de la terre, tel que l’avait rêvé Maupertuis et sur lequel, entre autres choses, s’est si vivement exercée la verve de Voltaire. Dans ces cavités, on conserve les corps qui se corrompent partout ailleurs; il en est qu’on fait refroidir, coaguler, endurcir; on s’applique à imiter, à reproduire artificiellement les mines naturelles et à former certains métaux. Enfin on en fait usage pour la guérison de certaines maladies. Quant à la chaleur centrale du globe, déjà sensible à de pareilles profondeurs, Bacon, à ce qu’il semble, ne s’en doutait pas encore, sinon il eût songé sans nul doute à en tirer quelque parti. Voilà pour l’astronomie, la météorologie et la géologie.

La physique, la chimie, l’histoire naturelle, ne sont pas moins bien partagées, ni moins richement dotées. Autour de la Maison de Salomon, il y a de grands lacs, les uns d’eau salée, les autres d’eau douce, avec des rochers au milieu pour les expériences qui, d’après Bacon, exigent l’air marin. Ici l’eau tourbillonne dans des gouffres rapides, là elle se précipite dans des cataractes afin de produire des mouvemens violens qu’on utilise pour certains effets. On voit des machines qui permettent d’augmenter, de multiplier, la force des vents; on voit des puits et des fontaines artificielles pour imiter les propriétés que donne la nature à certaines eaux. Non loin de là sont des édifices disposés pour la reproduction des phénomènes qui se passent dans l’air, de la neige, de la grêle, du tonnerre, et aussi pour la génération des petits animaux. Il ne faudrait pas reprocher trop sévèrement à Bacon cette croyance aux générations spontanées, non pas seulement d’animalcules plus ou moins invisibles, mais, comme il le dit, de petits animaux. C’était alors la croyance universelle, des savans comme du vulgaire; Descartes lui-même, comme on le voit dans un passage de ses lettres, ne mettait pas en doute la génération spontanée des rats. A côté sont des bains avec des eaux différemment composées, des chambres de santé, plus ou moins semblables aux chambres d’aspiration d’aujourd’hui dans nos stations thermales, et où l’air, dit Bacon, reçoit des vertus et des impressions pour la guérison de certaines maladies.