de l’Atlantique, les hommes d’état américains s’en servaient aussi en guise d’épouvantail, mais dans un autre dessein. Désireux d’effrayer l’Angleterre afin de se venger des encouragemens qu’elle avait donnés aux sécessionnistes, M. Seward laissait croire que l’Union reconstituée prendrait fait et cause pour l’indépendance irlandaise. Cette adhésion apparente avait procuré des soldats aux armées fédérales ; la guerre finie, elle restait à l’état de menace contre le cabinet de Londres. Ce double jeu n’était pas bien sérieux. Quelque amusant qu’il soit de jouer avec un ballon plein d’air, il vient un moment où l’on éprouve la fantaisie de le dégonfler. Ce moment arriva lorsque les gens timides prirent peur. Le 15 septembre, au soir, la police reçut l’ordre d’envahir les bureaux de l’Irish people et d’arrêter les principaux meneurs de la Fraternité républicaine d’Irlande. Les bureaux étaient déserts ; on n’y saisit que les ballots prêts à être expédiés par la poste ou par les chemins de fer. Mais le domicile des gens que l’on poursuivait était connu. Au point du jour, ils étaient en prison. Toutefois le plus important s’était dérobé ; nul ne savait ce qu’était devenu Stephens. Bien qu’il n’y eût aucune résistance, la population tranquille s’émut beaucoup de cette expédition nocturne. Des documens, d’une authenticité suspecte au reste, que l’on découvrit chez l’un des conjurés firent connaître que l’insurrection avait été fixée au 20 septembre et que tous les opposans devaient être massacrés. Apprenant que le chef était encore en liberté, les bourgeois de Dublin redoutaient que la lutte n’éclatât au premier instant. Des renforts furent envoyés dans les principales villes du sud ; les garnisons mises sur pied. Craintes vaines ; il n’y eut pas la moindre alerte.
Le signalement de Stephens avait été publié partout avec l’annonce d’une récompense de 200 livres sterling à qui le livrerait. En homme prudent, il s’était simplement réfugié dans un faubourg où il vivait en compagnie de quelques amis qui s’étaient soustraits comme lui aux recherches de la police. Il n’y était connu que sous un des noms d’emprunt dont il avait coutume de faire usage depuis plusieurs années. Six semaines après, sa femme, que l’on avait aperçue dans les rues de la ville, fut suivie de loin, ce qui amena la découverte de leur repaire. Bien qu’ils eussent des armes, ils ne se défendirent point. Stephens fut conduit en prison au milieu d’un grand déploiement de forces. Devant le juge, il déclara qu’il ne répondrait rien parce que ce serait se soumettre à la loi anglaise dont il ne voulait pas reconnaître la validité ; que d’ailleurs c’était inutile. Dix jours plus tard, les magistrats surent ce que ces derniers mots voulaient dire ; il s’était évadé. Les murs de la prison