les plus vives contre la religion catholique que nous connaissions.
C’est que le fenianisme était en train d’accomplir une nouvelle évolution. Le grand chef de la branche américaine, O’Mahony, était un conspirateur de bon ton, incapable de se brouiller avec la société au sein de laquelle il vivait ; il ne voulait réformer ni les lois, ni la religion, ni les mœurs. Son seul but était de mettre fin à la domination des Anglais en Irlande ; aussi n’entrait-il pas dans ses vues de faire le moindre bruit aux États-Unis ou d’y équiper, comme le proposaient quelques-uns de ses associés, une expédition contre les provinces anglaises du Canada. Ceux que l’on appelait les hommes d’action rêvaient tout autre chose. Leur influence l’emporta, si bien qu’un second congrès de délégués, réuni à Philadelphie au mois d’octobre, lui enleva tout pouvoir. Il restait président, mais avec l’adjonction d’un vice-président, un certain colonel Roberts, que les plus ardens voulaient lui substituer, et d’un conseil permanent ou sénat dans lequel ses adversaires étaient en majorité. Les premières nouvelles de ce qui s’était passé à Dublin ne découragèrent personne. De ce que quelques arrestations avaient eu lieu, les fenians d’Amérique concluaient que l’Irlande était prête à se soulever. Il fallait voler au secours des frères d’Europe ; par quel moyen leur venir en aide ? L’un d’eux, au sortir d’un entretien avec M. Seward, prétendit en avoir reçu l’assurance que le gouvernement fédéral verrait avec satisfaction une attaque contre les colonies anglaises. Là-dessus, un plan de campagne fut aussitôt dressé. Il s’agissait de conquérir la petite île de Campo-Bello, sur le littoral du Nouveau-Brunswick. Une fois le drapeau de la république irlandaise déployé sur ce coin de terre, les États-Unis reconnaîtraient aux fenians la qualité de belligérans ; les armes, les soldats, l’argent leur arriveraient bien vite. Un seul membre du sénat se faisait fort d’expédier 10,000 hommes du Massachusets sans qu’il en dût coûter un dollar à la caisse commune. En attendant, comme cette caisse était vide, O’Mahony mit en circulation des titres d’emprunt remboursables après la proclamation de la république irlandaise ; un pressant appel fut adressé à tous les fédérés ; puis, sur les premières ressources, on fit l’acquisition d’un navire qui prit la mer sous la conduite d’un capitaine d’aventure, au mois d’avril 1866. Par malheur, Campo-Bello était défendu, en sorte que ces flibustiers n’eurent rien de mieux à faire que de se rendre à un bâtiment de la marine fédérale pour éviter d’être capturés par les Anglais.
Roberts et son parti triomphaient par l’échec de cette tentative, à laquelle ils avaient refusé de s’associer. Sur ces entrefaites, Stephens arrivait à New-York. Quoiqu’il eût encore la confiance des