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imparfaite, des vues de Claude Bernard sur les phénomènes généraux de la vie. C’était le fond de son enseignement au Muséum d’histoire naturelle. Il s’appliquait de plus en plus à ces questions attachantes; elles lui fournissaient comme une méditation de sa longue vie expérimentale. Il en faisait le but éloigné où venaient converger toutes ses découvertes. Ces découvertes, et cela témoigne de l’instinct profond qui le dirigeait, touchent presque toutes par un côté à la fonction majeure de la vie, à la nutrition, à la création organique et à la désassimilation parallèle. Il est le physiologiste de la vie nutritive; je ne puis lui attribuer un plus grand rôle ni le placer plus haut entre tous ceux qui ont poursuivi l’analyse du fonctionnement vivant.


V.

Nous n’avons pas tout dit ni fourni la conclusion suprême de cette étude. Nous avons à interroger Claude Bernard sur les aboutissans derniers où le conduisent tant d’expériences, tant d’analyses, tant de comparaisons. Qu’est la vie? quel est son rang dans l’ordre des choses ? quelle est son origine et quelle est sa fin ? quelle est la méthode qui doit diriger toutes les investigations que l’on poursuit à son sujet? Sur tous ces points, nous tenons à faire connaître la pensée précise de Claude Bernard. Cette pensée semble diverse, et pour peu que l’on y mette quelque habileté, on peut la traduire sous des expressions différentes et même opposées. On peut, suivant sa tendance ou ses désirs, ranger Claude Bernard, soit parmi ceux qui font de la vie une cause propre et distincte de tout l’ordre physique, soit parmi ceux qui identifient la vie avec cet ordre et font rentrer la cause vivante dans la causalité une de la matière, soit encore parmi ceux qui, sous le nom de positivistes, semblent déclarer impossibles de telles distinctions et professent l’abandon absolu de ces questions, quelques efforts que l’homme ait dépensés pour les résoudre. Nous poursuivons uniquement la vérité, et nous voulons faire connaître le Claude Bernard réel et non un Claude Bernard défiguré et ramené à nos propres sentimens. Nous ne cacherons rien, ni des hésitations qui le tourmentent et qui se trahissent malgré lui, ni de ses répulsions doctrinales, alors même qu’il les justifie mal, ni des contradictions involontaires où il tombe et qui affirment sa haute sincérité.

Nous emprunterons le plus souvent possible ses propres paroles ; et voici d’abord une page bien expressive et catégorique ; elle termine les dernières Leçons sur les phénomènes de la vie ; ce sont les novissima verba du maître : «Après l’exposé qui précède, est-il