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LA RELIGION DANS ARISTOPHANE.

ryce (héraut), tandis que les autres représentaient les deux degrés d’initiés, les mystes et les époptes. À la suite de sa condamnation, ses biens furent confisqués, et il fut enjoint à tous les prêtres et à toutes les prêtresses de prononcer contre lui une malédiction.

Ainsi, parmi les inconséquences de la passion populaire de ces temps de péril et d’émotion, il y a un trait de constance à relever chez les Athéniens : c’est l’ardeur de leur piété à célébrer et à défendre contre les outrages le culte mystérieux des grandes déesses d’Éleusis. Nous avons déjà rappelé quel danger courut, dit-on, le pieux Eschyle, pour avoir été soupçonné, dans une pièce, de violer le secret des initiations. Or, si tels étaient les sentimens des Athéniens, s’ils célébraient ces mystères avec une ferveur patriotique, et si les alarmes de leur piété étaient toujours prêtes à les protéger contre toute atteinte, comment se fait-il qu’Aristophane ait pu les introduire et même leur donner une place considérable dans une de ses comédies ? C’est la question qui se présente naturellement à l’esprit de tout lecteur des Grenouilles quelque peu au courant des mœurs religieuses d’Athènes. La réponse est simple, et il n’y a pas lieu de mettre une contradiction de plus sur le compte des Athéniens. Ce qui alarmait leur religion et ce qu’ils étaient toujours prêts à punir, c’étaient les révélations, les imitations indiscrètes des mystères proprement dits : or Aristophane ne révèle rien, et son imitation comique ne porte que sur la partie extérieure et publique de la fête. Il n’y a donc point dans les Grenouilles de profanation, et le peuple a pu les couronner sans inconséquence.


III.

La même observation s’appliquait déjà à une pièce que le poète avait donnée quelques années auparavant et dont l’analogie avec les Grenouilles est remarquable. Les Thesmophories ont de même pour sujet principal la satire d’Euripide, et l’introduction et le cadre sont aussi empruntés à une fête religieuse. Quelle est la nature de ces emprunts ? Aristophane ne dit pas un mot de la partie mystérieuse de la fête ; il ne diminue en rien notre ignorance à ce sujet. Mnésiloque, déguisé, s’est introduit parmi les femmes rassemblées dans le sanctuaire des déesses où elles ont seules le droit de pénétrer ; on soupçonne sa fraude : « Dis-moi, lui demande une femme, ce qui nous a été montré en premier lieu l’année dernière. » Montrer les symboles ou les spectacles saints, c’est un mot consacré pour exprimer l’acte de la révélation des mystères aux initiés ; c’est donc ici que devrait se placer une indiscrétion d’Aristophane,