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aux relations établies entre les Phéniciens et les Grecs, toutes ces villes paraissent avoir prospéré rapidement. Elles étaient gouvernées, et elles le furent pendant des siècles, par des chefs héréditaires qui portaient le titre de rois. Les anciens divisaient d’ordinaire Cypre en neuf royaumes : Salamine, le plus puissant de tous, Soli, Chytri, Curion, Lapathos, Kerynia, la Nouvelle-Paphos, Kition et Amathonte ; ces deux derniers, surtout Kition, restèrent phéniciens jusqu’au temps où, après les victoires d’Alexandre, tout l’Orient sembla se fondre et s’absorber dans l’hellénisme.

Un lien fédératif rattacha-t-il les unes aux autres les cités cypriotes ? Nous ne savons. Toujours est-il que les anciens chronographes placent au IXe siècle ce qu’ils appellent la thalassocratie cypriote, c’est-à-dire une période de trente-trois ans pendant laquelle les Grecs de Cypre auraient été, par leur marine, maîtres de la mer Égée et de la mer syrienne. Il serait puéril de prendre ce chiffre trop au sérieux ; mais tout au moins témoigne-t-il du souvenir persistant qu’avaient laissé le prompt développement et la suprématie momentanée des Grecs cypriotes. Comme artisans et comme agriculteurs, ceux-ci avaient bientôt rivalisé avec les Phéniciens, leurs voisins et leurs maîtres ; les Grecs n’ont jamais été de ceux auxquels il faut enseigner deux fois les choses. En même temps que dans les villes on travaillait la pierre et l’argile, le bois et le métal, l’ivoire, le verre et les gemmes, hors de leurs murs on poursuivait en tous sens le défrichement déjà commencé sur quelques points par les Phéniciens ; aux cultures déjà répandues dans l’île, on en ajoutait de nouvelles. Attribut et présent de la plus grecque de toutes les déesses de l’Olympe, Pallas-Athéné, l’olivier est l’arbre grec par excellence ; c’est ce que voulait dire, à sa manière, un mythe cher aux Athéniens. À les en croire, les oliviers qui décoraient les rivages de la Méditerranée, sur le continent et dans les îles, provenaient tous d’un seul et même tronc, celui que, dans sa lutte fameuse contre Poséidon, la fille de Jupiter, d’un coup de sa lance, aurait fait sortir de terre, en pleine Acropole, paré de son sévère feuillage, symbole de paix et de prospérité, chargé de ces fruits d’où l’huile jaillirait désormais sous le pressoir, l’huile nourricière des hommes, source intarissable de vie et de lumière.

Cet arbre utile, si beau même partout ailleurs qu’en Provence, les Grecs l’ont porté avec eux sur toutes les côtes où ils se sont établis, de Gadès à Cypre, d’Adria à Cyrène. Ce qu’il préfère, c’est un sol calcaire dans le voisinage de la mer. Le terrain de l’île lui convenait donc merveilleusement. Grâce aux semences et aux greffes apportées par les colons, l’olivier se répandit de proche en proche sur les pentes inférieures des montagnes de Cypre, sur les collines dont le pied est battu par la vague. D’abord séparés par