Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/559

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physiologie jusqu’à la fin du dernier siècle ; elle engendra les écoles mécanistes, dynamistes, vitalistes, animistes qui, sous les noms de Van Helmont, de Paracelse, de Descartes, de Stahl, de Barthez, de Bordeu, remplirent le XVIe, le XVIIe et même le XVIIIe siècle de leurs débats. Sans nier absolument que Bichat ait eu des précurseurs parmi les anatomistes qui l’ont précédé, ce n’est point exagérer son rôle que de dire que, par la création de l’histologie, il fut le premier maître de cette école d’observateurs micrographes qui, de nos jours, ont pénétré dans les profondeurs les plus intimes de la matière vitale. Sa distinction de la vie animale et de la vie organique fut le point de départ des plus curieuses études sur les principes élémentaires, sur les conditions physico-chimiques, sur les élémens organiques primitifs, enfin sur les organes principaux de la vie qui ont honoré ou illustré les noms de Magendie, de Claude Bernard, de Robin, de Virchow, de Flourens. On laissa désormais à la métaphysique les discussions contradictoires sur les causes pour se livrer exclusivement à l’analyse, à l’observation et à l’expérimentation des faits.

Ce fut Lavoisier qui, le premier, étudia la chimie des corps organiques et fit voir que les principes élémentaires des corps vivans ne sont autres que ceux des corps bruts. Cette découverte fut confirmée et complétée, depuis Lavoisier, par toutes les expériences de nos chimistes contemporains. Mais ce ne fut que le premier pas, et le plus facile, dans la voie de l’analyse. Entre ces élémens matériels de la vie et la vie elle-même, il y a un abîme ; et bien que, sans eux, la vie n’ait plus de substance, ce n’est pas pénétrer dans l’essence de la nature intime de l’être vivant que d’arriver à reconnaître par l’analyse chimique ces principes élémentaires. Une fois en possession de cette première vérité, d’ailleurs très importante, la science de la vie ne sait encore rien du jeu du mécanisme vital. Il fallait découvrir quel est le rôle des élémens physico-chimiques dans la manifestation des phénomènes de la vie. En d’autres termes, il y avait à démontrer que ces élémens en sont les conditions, dans toutes les fonctions de l’organisme, depuis les plus obscurs et les plus simples phénomènes de la vie végétative jusqu’aux actes les plus complexes et les plus nobles de la vie animale et humaine. C’est à cette grande et difficile tâche que s’est voué Claude Bernard. Il y a si pleinement réussi qu’il s’est fait une place à part, dans le domaine de la physiologie expérimentale, par la netteté, la sûreté, l’autorité de ses idées sur la méthode, par la variété et l’importance des applications qu’il sut en faire aux plus délicats problèmes de biologie. L’auteur de la théorie du déterminisme en a trop nettement défini le sens et la portée pour mériter les ardentes sympathies et