Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/561

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physiques et chimiques. Le muscle produit des phénomènes de mouvement qui, comme ceux des machines inertes, sont régis par les lois de la mécanique générale. Les organismes vivans produisent de la chaleur qui ne diffère en rien de la chaleur engendrée par les phénomènes inorganiques. Les poissons électriques forment ou sécrètent une électricité identique à celle d’une pile métallique. D’autre part, les excitans généraux, air, chaleur, lumière, l’électricité, qui provoquent les manifestations des phénomènes physicochimiques de la matière brute, éveillent aussi d’une manière semblable l’activité des phénomènes propres à la matière vivante. Lavoisier n’a-t-il pas démontré que les animaux qui respirent et les métaux que l’on calcine absorbent dans l’air le même oxygène, et que l’absence de cet air respirable arrête la respiration aussi bien que la calcination ? C’est l’oxygène qui est le principe excitateur des phénomènes physico-chimiques sans lesquels aucune activité vitale ne serait possible. Et qu’on ne se méprenne pas sur la portée de ces observations. Rien de plus simple à comprendre que l’identité des lois qui régissent l’organisation des végétaux et des animaux, comme la composition des minéraux, puisqu’elles s’appliquent à un même ordre de phénomènes. Voilà comment il n’y a en réalité qu’une mécanique, une physique, une chimie dans lesquelles rentrent tous les phénomènes de la nature organique et inorganique.

Et l’oxygène n’agit pas seulement sur les fonctions purement organiques ; il agit également sur les facultés cérébrales de l’ordre le plus élevé. Si l’on injecte du sang oxygéné dans les tissus musculaires, nerveux, glandulaires, cérébraux, dont l’activité vitale est affaiblie ou presque éteinte, on voit, sous l’influence de ce liquide, chaque tissu reprendre ses propriétés spéciales, le muscle sa contractilité, les nerfs leur sensibilité et leur motricité, le cerveau le jeu de ses fonctions mentales. C’est ce dernier phénomène surtout qui peut nous paraître surprenant ; mais notre étonnement cesse, quand nous nous rendons bien compte de la loi qui régit tous les phénomènes de la vie, sans exception. Le cerveau est un mécanisme organisé de façon à manifester les phénomènes intellectuels par l’ensemble d’un certain nombre de conditions. Qu’une seule de ces conditions vienne à disparaître, il y aurait lieu de s’étonner que le mécanisme pût continuer à fonctionner. Si l’on restitue la circulation sanguine oxygénée avant que les élémens cérébraux ne soient altérés, il est tout simple que le mécanisme cérébral reprenne ses fonctions normales. Qu’y a-t-il au fond de ce prétendu mystère ? Une loi dont l’existence n’est devenue évidente que depuis les expériences de Claude Bernard et de l’école expérimentale : à savoir, que toutes les fonctions vitales, depuis la plus humble