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inférieur à l’activité instinctive, si fort au-dessous elle-même de l’activité volontaire, consciente et libre.

Ainsi, plus la science avance dans l’analyse des phénomènes vitaux, plus elle arrive à reconnaître que l’organisation de ce merveilleux mécanisme n’est point aussi simple que notre ignorance l’a longtemps imaginé. Il n’y a pas un très grand nombre d’années qu’on ne se doutait ni de l’infinie variété des élémens cellulaires, ni de la multiplicité des centres nerveux, ni de la diversité des modes d’activité par lesquels se manifeste la vie. C’est la méthode expérimentale et l’observation microscopique qui ont découvert toute la complexité et toute la richesse de l’organisme vital. Que nous sommes loin de cette physiologie cartésienne qui ne voyait dans la vie proprement dite que le jeu d’une machine en mouvement, sous l’action des lois de la mécanique et de la physique !

Le plus curieux résultat des recherches physiologiques contemporaines, et le plus grand, s’il était complet, serait la théorie des organes cérébraux de l’activité mentale. L’école qui a, depuis le début de notre siècle, abordé ce délicat et difficile problème des rapports à établir entre les organes cérébraux et les fonctions psychiques, a eu le malheur d’en croire la solution facile, et de l’improviser à l’aide d’une méthode qui n’était pas sérieuse. Gall avait eu l’idée heureuse de localiser les fonctions psychiques en des départemens de l’encéphale. Ainsi que le fait spirituellement remarquer M. Laugel, il n’est plus douteux, après les expériences faites, que le principe de la division du travail ne doive être appliqué au travail cérébral, et que le siège de la pensée ne se divise tout au moins en provinces dont chacune a ses attributions caractéristiques. Le cerveau est une collection d’appareils nerveux, tout comme la moelle épinière ; seulement ces appareils, groupés les uns près des autres, se touchent. Ils se servent mutuellement de régulateurs, ils échangent perpétuellement de l’énergie motrice ; leurs vibrations s’ajoutent, se superposent, se confondent de façon à ce qu’il devienne très difficile de les distinguer et de les démêler.

La phrénologie avait trouvé un signe très apparent, mais très superficiel et très grossier, pour reconnaître la localisation des fonctions psychiques. Elle mesurait l’intensité des passions, l’énergie de l’instinct, la capacité de l’intelligence, la force de la volonté, aux rondeurs vagues et aux gonflemens de l’enveloppe crânienne. Mais, comme le dit encore si bien M. Laugel, « la tête n’est point une montagne dont la topographie suffise ; il faut y entrer, en suivre les couches et les riches filons. » Gall était un anatomiste fort capable de comprendre et de pratiquer cette méthode. Mais son siège était fait, et son école s’engagea de plus en plus dans les voies d’une