Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/567

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expérimentale, c’est que toute fonction vitale a son organe, le cerveau pour l’intelligence, comme le système nerveux pour la sensibilité, comme le cœur pour la circulation du sang, comme l’estomac pour la digestion, comme le poumon pour la respiration[1]. « Sous ce rapport, dit Claude Bernard, il n’y a aucune distinction à faire entre nos divers organes, et c’est par une vaine subtilité qu’on a pu dire que le cerveau est simplement le substratum, et non l’organe véritable de l’intelligence. On ne saurait comprendre qu’un appareil quelconque de la nature vivante pût être le siège d’un phénomène sans en être l’instrument[2]. » Il n’y a de différence à établir entre nos organes que quant au degré de complexité de leurs fonctions.

Il est enfin une théorie scientifique qui, par la portée de ses conclusions, par l’étendue et la variété de ses applications, a la grandeur d’une véritable philosophie : c’est la théorie de l’évolution. Elle n’est pas née uniquement, comme les précédentes, de l’analyse des phénomènes biologiques ; elle est sortie du progrès de plusieurs sciences très diverses par leur objet et leur méthode. Les élémens en ont été recueillis partout, dans la cosmologie, dans la géologie, dans la paléontologie, dans la physiologie, dans l’histoire et la philologie. C’est la méthode d’observation qui l’a créée avec le télescope, le microscope, l’étude des couches terrestres et des fossiles, l’étude comparée des institutions, des mœurs et des langues des races humaines. Aussi comprend-elle dans ses explications les grandes genèses cosmiques, les révolutions du globe, les révolutions de l’humanité, tout comme les évolutions de l’atome cellulaire. Jusqu’à ce que les révélations de ces merveilleux instrumens d’une part, et de l’autre les curieux renseignemens de la nature morte et ensevelie sous les luxuriantes végétations de la nature vivante, eussent fait connaître les lois de la formation et du développement des êtres grands ou petits de la nature, on ne pouvait avoir d’idées précises sur ces opérations mystérieuses. A chaque métamorphose qui se produit au sein de ces corps, mondes ou atomes, l’esprit, frappé d’étonnement et de stupeur par le spectacle de tels changemens, admirait sans comprendre. De nos jours, au lieu de rêver sur les miracles de la nature, on s’est mis à l’observer ; on l’a vue à l’œuvre ; on l’a surprise dans le secret de ses opérations les plus délicates ou les plus grandioses. C’est alors qu’on a reconnu qu’une même loi gouverne le développement de tout ce qui vit dans le monde de l’histoire, comme dans le monde de la nature, que tout se forme et s’organise par le même procédé d’évolution. Tous ces êtres

  1. Il faut ici distinguer l’organe cérébral et l’organe général de la respiration. L’un est le poumon, et l’autre la moelle allongée, le centre respiratoire proprement dit.
  2. La Science expérimentale, p. 402.