Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/568

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une fois nés, les corps petits ou grands de la nature, comme les sociétés, les religions, les philosophiez, les institutions et les arts de l’humanité, vont à leur forme actuelle, à leur organisation définitive par une série d’états intermédiaires et transitoires. Le génie spéculatif d’un Aristote et d’un Leibniz avait deviné cette loi. Il appartenait à notre siècle d’en faire une vérité d’analyse et d’observation.

L’objet de ce travail ne nous permettant pas de suivre le développement de cette théorie dans sa plus grande généralité, nous nous bornons à considérer l’évolution embryonnaire. Quel est le principe de l’être vivant ? Un ovule fécondé qui a les proportions microscopiques d’une cellule ordinaire. Cet ovule est tout l’être en puissance ; il se développe en se multipliant par une prolifération de cellules qui forment peu à peu les organes de l’individu, plante ou animal. Quelques physiologistes, avant les révélations de l’embryogénie contemporaine, avaient imaginé le développement de l’organisme par le simple accroissement de l’individu primitif possédant déjà la structure, la forme et tous les organes qu’il montrera plus tard. C’est ce qu’on nomme la théorie de l’emboîtement. Entre le germe et l’être formé, il n’y avait qu’une simple différence de proportions. L’observation microscopique ne permet plus de s’arrêter à une telle hypothèse. Elle démontre que le développement du germe est une véritable, une continuelle génération de l’être. Le germe ne contient aucun organe réel, même incomplètement formé ; mais il les contient tous virtuellement, et les réalise tous, à moins d’accident, par un travail de formation lent et sûr. Et cette loi qui préside à l’organisation de l’être vivant préside également à sa désorganisation, toujours sauf accident. Tout se fait ou se défait, se forme ou se déforme, s’organise ou se désorganise dans la nature par une succession infinie de changemens insensibles. « La nature ne procède point par sauts dans ses mouvemens, » avait dit un grand naturaliste. La science a fait de cette observation peut-être prématurée, au moins dans sa généralité, un axiome dont l’autorité n’est plus contestée. On peut discuter les conséquences que certaines écoles en ont tirées à l’avantage de leurs doctrines. Il n’est plus de savant qui ne reconnaisse la loi dont cet axiome est devenu la formule.


III

Toutes les théories que nous venons de résumer sont dues à l’observation et à l’expérience seules ; la spéculation métaphysique, l’hypothèse, l’imagination, n’y ont aucune part. Aussi ont-elles pris