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métaphysique pour se rendre compte de ses œuvres. A l’action des causes efficientes et finales, il lui suffit de substituer l’action des lois universelles et invariables de la nature. C’est parce qu’on ne voit que les résultats de ce travail que l’on est tenté, à l’aspect de chaque forme nouvelle qui apparaît sur la scène du monde organique, de l’attribuer à l’intervention brusque d’une cause créatrice. En rétablissant la chaîne des intermédiaires, la théorie de l’évolution a rendu possible, sensible même, le phénomène de la formation et de l’organisation des êtres vivans. Elle a même permis de comprendre leur origine première sans recourir à d’autres principes créateurs que les lois de la matière élémentaire faisant leur œuvre avec le secours du temps. L’hypothèse transformiste se prête à merveille à cette explication. Elle affirme que les manifestations premières de la vie ont apparu spontanément, au sein des flots, dans les profondeurs de la mer, sous la forme indécise de masses protoplasmatiques sans nucléus. Là aucun ancêtre, aucune matière organique préexistante ; rien que l’eau à l’état de mineral, et les forces physico-chimiques, l’affinité, l’électricité, la chaleur. Sous l’action lente et incommensurable du temps s’engendrent ces protoplasmes informes d’où va sortir l’infinie variété des êtres vivans. La série progressive de ces êtres conduira du plus humble animalcule jusqu’à l’homme, forme dernière obtenue par la métamorphose des formes primitives, sans qu’il y ait lieu d’y voir aucun dessein, aucun but déterminé. « Dans les brumes du passé, nous dit Darwin, nous pouvons voir distinctement que l’ancêtre de tous les vertébrés a dû être un animal aquatique, à branchies, réunissant les deux sexes dans le même individu, et chez lequel les organes principaux, tels que le cerveau et le cœur, n’étaient développés que d’une manière imparfaite. Cet animal a dû, semble-t-il, se rapprocher des larves de nos ascidiacés marins plutôt que de toute autre forme connue[1]. » Pour remonter de ces derniers êtres de la vie animale aux premiers élémens de la matière, il y a sans doute encore un bien long chemin à faire. Mais, le temps aidant, l’on y arrive par une innombrable série de transitions qu’il suffit d’imaginer pour comprendre l’origine toute matérielle des êtres vivans.

Toutes ces hypothèses tendant à expliquer la vie à tous ses degrés, soit par la génération spontanée, soit par la transformation. du mouvement, soit par le transformisme, ne sont point le dernier mot de cette philosophie. Éprise par-dessus tout des méthodes d’explication simple, elle conçoit en quelque sorte a priori l’identité de l’être, et l’expose comme l’axiome par excellence, le vrai

  1. Darwin, la Descendance de l’homme.