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— Ici ou là, qu’importe ? Nice est charmant en février, et Paris en mai, j’en conviens, mais je connais Nice et Paris. Je sais d’avance ce que j’y ferai. Tu m’écriras de longues lettres ; tu blâmeras ma vie, oisive il est vrai, inoffensive après tout. Ici je rencontre sans l’avoir cherché un problème archéologique ; il me prend fantaisie de l’étudier, de le résoudre peut-être, où est le mal ? J’ai grimpé, moi cinq cent millième, dans la pyramide de Chéops, où je n’ai trouvé que de la poussière et des puces. Tout le monde connaît l’Egypte, on ne connaît pas le Yucatan. Voilà une bonne raison, j’espère. Puis enfin et surtout nous serons plus longtemps ensemble.

— A cela, rien à dire. Buvons un toast aux ruines d’Uxmal et à la belle Mercedes ! Je ne sais pourquoi, mais je crois que l’une et les autres valent leur réputation.

— Toujours enthousiaste, répondit en souriant Georges Willis ; enfin, nous verrons.


II.

La journée du lendemain se leva radieuse ; pas un nuage au ciel. L’air était chargé des senteurs des orangers et des citronniers en fleurs. Une foule nombreuse d’Indiens à pied, de mestizos à cheval et de blancs en calezas envahissait dès le matin les rues de Mérida et se dirigeait vers la place de l’Église où s’organisait la procession de san Cristobal.

Elle réussit à merveille ; on se pressait pour embrasser la botte du saint. La messe fut célébrée en grande pompe par le curé Carillo, puis tout le monde se dispersa dans les maisons et dans les champs pour y prendre un peu de repos, satisfaire son appétit et se préparer aux plaisirs de l’après-midi.

Le bal était annoncé pour deux heures. A peu de distance de l’église, sous un massif d’orangers, l’alcade, aidé par le curé et les principaux habitans, avait fait construire une salle de danse. Une enceinte de bambous à hauteur d’appui, des troncs d’arbres sur lesquels reposait une toiture légère de feuilles de palmiers en faisaient tous les frais. A l’intérieur, le sol, bien battu, offrait une surface unie ; une estrade destinée au curé, à l’alcade, aux autorités et aux musiciens occupait le fond, des chaises étaient réservées aux dames. Les blancs et les métis avaient seuls droit d’entrée ; les Indiens se pressaient en dehors pour jouir du coup d’œil, attendant patiemment leur tour, qui devait venir dans la soirée. Des groupes de jeunes filles en costume de mestizas traversaient la place. Leurs cavaliers les abritaient galamment du