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Mexique. A Mexico, il avait connu et épousé leur mère, dont la famille était originaire de Mérida. Lorsqu’on 1861 éclata la guerre de sécession, il prit fait et cause pour le sud et servit successivement sous les ordres de Beauregard, de Lee et de Stonewall Johnston.

Peu à peu le cercle de fer des armées fédérales s’était resserré, malgré d’héroïques efforts. Leur ville natale se vit menacée d’un blocus. Alors seulement leur père se résigna à se séparer de sa femme et de ses deux filles et les envoya au Mexique, décidé à combattre jusqu’à la dernière heure et ne voulant pas les exposer aux désastres qu’il pressentait. Pendant plus d’un an elles étaient restées sans nouvelles de lui. Leur mère, malade au moment du départ, n’avait pu résister à ses anxiétés. Elle succomba quelques mois après leur arrivée à Mexico. Recueillies par une tante, elles apprirent successivement les sanglantes défaites de Seven Oaks, de Fredericksburg, la marche triomphante de Sherman, les victoires de Grant, et enfin en février 1865 la chute de Charleston. Elles ne reçurent qu’une lettre de leur père. Dans cette lettre, datée de quelques jours avant la prise de la ville, il leur annonçait que, chargé d’une mission importante par Jefferson Davis, président de la confédération du sud, il allait tenter de forcer le blocus et de se rendre en Angleterre. S’il survivait à cette tentative désespérée, il leur écrirait de Londres. Depuis elles n’avaient rien reçu. La guerre terminée, dona Mercedes, laissant sa sœur aux soins de leur parente, s’était rendue, sous la protection d’amis émigrés comme elles, dans la Caroline du sud. Les renseignemens qu’elle avait pu recueillir ne lui permettaient plus d’espérer. Sorti du port à bord d’une goélette, son père avait été tué par l’ennemi ou s’était perdu sur quelque écueil.

Elle était revenue à Mexico brisée par le chagrin, mais là encore un nouveau malheur l’attendait. Sa tante, leur unique protectrice, se mourait. Mercedes et Carmen reçurent son dernier soupir et son dernier regard. Ces coups si cruels et si soudains avaient brisé son courage. Elle se voyait à vingt ans sans appui, orpheline, seule au monde avec sa sœur. Par son testament leur tante leur léguait sa modeste fortune et entre autres propriétés la moitié des terrains d’Uxmal, l’autre moitié appartenait à leur mère. Mexico ne leur rappelait plus que de tristes souvenirs ; quant à Charleston et la Nouvelle-Orléans, où s’était écoulée leur enfance heureuse, Mercedes, depuis son retour, n’en entendait prononcer le nom qu’avec une tristesse profonde et une insurmontable répugnance. Là elle avait vécu près de sa mère, de sa sœur et de son père. C’était de là que ce dernier était parti pour la mort. Ces souvenirs expliquaient et justifiaient sa résolution de s’exiler pour toujours.

Que faire ? L’idée lui vint de se réfugier avec sa sœur dans un