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Les voyageurs se remirent en route. Ce nom d’Itza avait éveillé l’attention de George Willis. Il se rappela ce qu’en avait dit dona Carmen lors de leur première visite au palais du gouverneur, et se fit indiquer la demeure de l’Indienne, avec l’intention bien arrêtée de la voir et de la faire parler. Peut-être obtiendrait-il d’elle quelques renseignemens sur le mystérieux auteur du plan. Il avait bien songé à Harris ; par l’entremise de don Rodriguez on pourrait… Mais Harris avait repris la mer, et don Rodriguez était absent. Il s’enquit auprès du curé si Itza parlait une autre langue que le maya. Carillo répondit qu’elle comprenait l’espagnol et le savait assez pour se faire entendre, mais elle feignait le plus souvent de l’ignorer et fuyait tout contact avec les étrangers.

On se sépara en vue des lumières de Mérida. Le curé fit prendre le trot à sa mule pour regagner au plus vite son presbytère ; George et Fernand tournèrent bride et, sans autre aventure, rentrèrent au Palais du Nain, où George compléta son dossier en résumant son entretien avec dona Carmen. Ce travail lui prit quelque temps, et il fut obligé à diverses reprises de faire appel à la mémoire de Fernand. Le souvenir de dona Carmen le hantait. À la place de l’enfant mutine et railleuse qui le querellait d’ordinaire, il venait de quitter une jeune fille au regard ému, qui invoquait son dévoûment, se fiait à lui et croyait en lui. Il l’avait vue pleurer, c’était cela, répétait-il, qui brouillait ses idées. Tant bien que mal il acheva de mettre ses notes en ordre et s’endormit en rêvant qu’il y avait deux dona Carmen, charmantes toutes deux, très différentes l’une de l’autre et qu’il ne savait laquelle il préférait.

Le lendemain les deux jeunes gens arrêtèrent définitivement leurs projets. Fernand se chargea d’examiner les ruines ; il négligerait celles dont l’exposition ne se rapporterait pas aux indications du plan, il étudierait de près les autres et noterait les analogies qu’elles pourraient offrir avec le document mystérieux. De son côté, George se mettrait en campagne à la recherche d’Itza. Savait-elle quelque chose, et, si oui, parlerait-elle ? Il avait bien quelques doutes, mais l’aventure valait la peine d’être tentée. Itza, non plus qu’Harris, n’était facile à trouver. À cheval pendant de longues heures, George fouillait les coins les plus solitaires de la forêt, et revenait chaque après-midi en affirmant que le demonio parlero avait enlevé l’Indienne et que tous deux devaient être en route pour le sabbat.

Fernand, de son côté, poursuivait sans plus de succès ses investigations patientes. À trois milles dans l’ouest se dressaient les murailles épaisses et massives d’une construction en ruines. Il résolut de l’explorer, et un matin, laissant George se remettre à la poursuite