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de l’Indienne, il partit avec les matelots munis de haches et de cordes. Après quatre heures d’une marche pénible, il parvint au pied des ruines. Elles étaient visibles, aussi bien du Palais du Nain que de la terrasse du palais du gouverneur, et dona Mercedes les avait désignées sous le nom de casa de las Monjas.

Pendant que ses matelots exploraient l’un des versans, Fernand cherchait la pente la moins abrupte pour tenter l’ascension, lorsqu’en tournant l’angle du monticule il vit un cheval attaché à un arbre et entendit le bruit sourd d’une lutte et des cric entrecoupés. Il se dirigea de ce côté et aperçut Itza qui se débattait dans les bras d’un inconnu. À son aspect, ce dernier lâcha l’Indienne, qui vint, tremblante de colère et d’indignation, se réfugier près de Fernand, puis, haussant les épaules, il sauta en selle et toisa le jeune homme d’un air insolent.

— Qui êtes-vous ? lui demanda Fernand.

— Je me nomme Harris.

— Pourquoi insultez-vous cette femme ?

— Allons donc, reprit-il brutalement, est-il défendu de suivre et d’embrasser une jolie fille ? Mais… je vous ai déjà vu. C’est vous qui étiez au bal des mestizas avec cette Mercedes, que le ciel confonde !

À ces mots Fernand put à peine contenir son indignation, mais il était à pied, sans armes, et les matelots hors de portée de sa voix.

— Moi aussi, je vous connais. Don Rodriguez m’a parlé de vous. Et sous peu nous nous retrouverons.

— Je ne crois pas, répliqua Harris en ricanant, je retourne à Sisal et de là je pars pour les États-Unis. Dites à votre Mercedes qu’avant un mois on parlera d’elle à Charleston. Je ne suis pas riche, et les scrupules ne m’embarrassent guère, cependant je ne voudrais pas de sa fortune au prix qu’elle lui coûte… Adieu.

Harris parti, le jeune homme se retourna vers Itza et l’aperçut à quelques pas accroupie sur le rebord d’une citerne à ciel ouvert. Il s’approcha d’elle et, se penchant au-dessus de l’orifice, il vit un chien qui se débattait dans l’eau bourbeuse où le marin l’avait poussé pour se débarrasser de lui. La pauvre bête essayait vainement de s’accrocher aux parois lisses et suintantes ; elle semblait à bout de forces, et l’Indienne, impuissante, suivait d’un œil farouche l’agonie de son compagnon. Fernand appela les matelots ; à l’aide d’une corde qu’il s’attacha autour du corps, il se fit descendre dans la citerne. Quelques instans après, le chien gambadait auprès d’Itza, qui prit la main de Fernand et la porta à ses lèvres. L’animal s’attacha aux pas du jeune homme, et l’Indienne suivit. Ils ne le