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travers les cultures de tabac, principale richesse de la Thessalie méridionale. C’est à Armyro, dernière ville turque avant la frontière grecque, qu’est détenu Spano Vanghéli ; il vient précisément d’écrire à notre agent, en le priant de faire abréger sa peine ; le klephte se recommande de ses excellens sentimens pour la France. — Je profite des longues soirées de Volo pour assembler ces notes de voyage, et tirer de tout ce que j’ai rencontré jusqu’ici quelques vues d’ensemble sur les conditions présentes et futures de cette province.

On donne dans la pratique le nomade Thessalie, d’après la délimitation conservée de l’ancienne Grèce, au territoire compris entre les monts Othrys au sud et la Vistritza au nord. Il faut, sous peine de confusion préjudicielle, diviser ce territoire en deux parties à peu près égales, séparées par le cours du Salamvrias, et qui présentent des caractères fort tranchés. La partie nord, — entre le Salamvrias ou Pénée et la Vistritza, — n’est autre chose que le massif élevé de l’Olympe, avec les étroites vallées qui en descendent. Dans ce district montagneux, pas de villes, pas de cultures, une population clair-semée et moins laborieuse ; les gens de la côte vivent de la pêche, ceux des hauteurs du commerce des bois, de l’élève des troupeaux, de quelques extractions métallurgiques ; les élémens agricoles ne se retrouvent que dans les vallées du versant occidental. Cette population, grecque sans doute en majorité, renferme pourtant, sans parler des musulmans, des échantillons, de toutes les races de la péninsule, des Albanais, des Circassiens, des Valaques du Pinde, quelques sentinelles avancées des familles slave et bulgare ; elle doit à ces conditions géographiques et ethnographiques un aspect plus sauvage, un caractère plus âpre ; ce caractère et ses relations commerciales habituelles, par le golfe Thermaïque, la rattachent plus directement au centre musulman et macédonien de Salonique.

Dès qu’on franchit le Pénée par la gorge de Tempe, on entre dans la partie sud, comprise entre ce fleuve, la mer, les monts Othrys et le Pinde, et formant le bassin de l’ancien lac, adossé à l’Ossa et au Pélion ; ici on recueille l’impression sensiblement différente que j’ai essayé de traduire. De ce côté du fleuve, la population chrétienne est exclusivement agricole et exclusivement grecque. Elle ne partage le sol qu’avec l’élément musulman. Il est toujours difficile de vérifier des chiffres en Orient ; mais on m’assure que cet élément compte pour un septième à peine sur les trois cent mille habitans de la Thessalie. Les familles et les garnisons turques se sont concentrées dans les villes, à Larisse surtout, chef-lieu de la province ; un peu à Trikkala, à Karditza, dans une proportion insignifiante à Pharsale, à Armyro ; à Volo même, on ne trouve plus que trois ou quatre beys, propriétaires des environs.