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devancé ; mais, grâce à l’intervention de M. le marquis de Noailles, ambassadeur de France à Rome, il obtint du jeune roi Humbert deux audiences et lui remit, avec la lettre de Minylik II, la, fameuse civette qu’il conservait depuis plus de deux ans. L’accueil bienveillant du roi et de plusieurs grands personnages italiens réduisait à néant les insinuations des ingrats et des envieux. Réconforté par ce premier succès, le voyageur, se rendit à Paris, où, sans tarder, il soumit à l’approbation des ministres son projet d’ouvrir, sous les auspices du roi Minylik, une route partant d’Obock vers l’Afrique centrale et de fonder une colonie française au Choa. Le courage de l’homme, sa probité, les renseignemens nombreux et précis qu’il apportait, attirèrent naturellement l’attention, des bureaux. S’il faut en croire les indiscrétions, le gouvernement français ne serait pas éloigné de prendre possession définitive de la baie d’Obock et de répondre’ favorablement à la démarche du roi de Choa. Il ne s’agit pas ici, on le comprend, d’une conquête à faire, d’un agrandissement matériel à poursuivre ; mais la France, usant de ses droits, planterait son pavillon sur une terre qui déjà lui appartient et garantirait ainsi, par un appui tout moral, la sécurité de nos nationaux.

Quoi qu’il en soit, dès aujourd’hui le concours d’amis résolus est assuré à l’entreprise ; les fonds nécessaires ont été réunis, les intelligences et les bras ne manqueront pas non plus. Ce sera le premier essai d’installation sérieuse tenté par des Européens dans l’Afrique centrale. Puissent nos colons triompher de tous, les obstacles et le succès couronner la persévérance de leur chef ! Nous nous en féliciterons doublement ? pour la France d’abord, dont ils portent au loin le nom et l’influence, mais aussi dans l’intérêt général de l’humanité. Assez et trop longtemps on a paru croire en Europe à la sincérité de l’Égypte et à son influence salutaire en Orient ; Saïd-Pacha et son successeur sont entrés volontairement dans le concert des états qui abolissaient la traite, ils ont protesté bien haut de leur dévoûment à cette grande idée. Le fait certain, c’est que L’Égypte est, comme par le passé, le premier pays négrier du Monde. La route la plus fréquemment suivie par les caravanes est celle du Fleuve-Blanc ; sur le parcours se trouvent trois stations militaires : Khartoum, Gondokoro, et la troisième près du lac Albert-Nyanza ; c’est entre ces diverses stations et leurs affluens que la chasse à l’homme est organisée. On sait comment les trafiquans se procurent leur marchandise, au moyen d’horribles razzias qui dépeuplent le pays ; les barques chargées d’esclaves sont remorquées le plus souvent par des steamers égyptiens, percevant un droit de 150 à 200 talaris, suivant la valeur de la cargaison. À Khartoum, on trouve de tout temps deux grands dépôts d’esclaves qui sont la propriété du gouvernement et