Au même moment, Laborde le prit à bras-le-corps en criant aux armes. On accourut. Malet fut terrassé, puis garrotté. On le traîna dans cet équipage jusque sur le balcon de l’hôtel, d’où le colonel Doucet, s’adressant aux soldats, leur cria que Malet n’était qu’un imposteur dont il allait être fait justice, et que l’empereur n’était pas mort. Il n’en fallut pas davantage pour provoquer dans la troupe un élan qui se traduisit par le cri de Vive l’empereur ! Quelques instans après, l’énergique commandant Laborde se présentait, suivi d’un nombreux détachement, au ministère de la police. Il y trouva Lahorie confortablement assis dans le fauteuil du duc de Rovigo, donnant des ordres et signant des pièces, avec le calme d’un homme en possession d’une bonne place. Tout autour de lui, par terre, gisait la défroque de Savary, qu’il s’était fait apporter pour y choisir un costume. L’infortuné général fut complètement démoralisé quand il apprit qu’il avait conspiré sans le savoir, et se laissa arrêter sans résistance.
Quant au général Guidal, on le trouva, la fourchette à la main, dans un restaurant où il était allé déjeuner après avoir pris possession du ministère de la guerre, abandonné par le duc de Feltre. On s’empara de sa personne et on le reconduisit à La Force. A l’Hôtel de Ville, l’ordre ne fut pas moins vite rétabli. Le préfet Frochot, désireux sans doute de se faire pardonner par un zèle bruyant l’incroyable légèreté avec laquelle il avait accueilli la nouvelle de la mort de l’empereur, déploya beaucoup d’activité pour remettre toutes choses en place. Il avait hâte de se rendre chez l’archichancelier pour lui donner des explications qui ne devaient pas le sauver d’une disgrâce à coup sûr méritée.
On sait le reste : Malet et ses complices furent, au nombre de vingt-quatre, traduits devant une commission militaire présidée par le général de division Dejean, comte et grand-officier de l’empire, grand-aigle de la Légion d’honneur et premier inspecteur général du génie, assisté de deux généraux, de deux colonels, d’un major et d’un capitaine. Le procès commença le 27 au matin. L’instruction n’avait pris que trois jours, moins de temps que n’en met d’habitude un juge d’instruction pour étudier une affaire de police correctionnelle. Il est vrai qu’il y avait flagrant délit et que la justice militaire doit être expéditive. Instituée pour assurer la prompte répression des crimes contre la sûreté de l’état, on ne saurait lui demander de s’astreindre aux mêmes lenteurs que la justice ordinaire. Toutefois on ne peut s’empêcher de regretter qu’une affaire où tant de prévenus se trouvaient impliqués ait été conduite avec autant de légèreté. La culpabilité de Malet, de Rateau, de Boutreux, était évidente, et l’on comprend que le capitaine rapporteur n’ait pas eu de peine à l’établir ; celle de Guidal et de Lahorie