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les inconvéniens d’un campement marécageux ; la fièvre sévissait dans ses rangs, et ces magnifiques troupes étaient exposées à se fondre sans combattre. On restait par bonheur maître de la mer, le renfort des soixante-quinze trières ayant fait rentrer tes vaisseaux syracusains dans leur arsenal ; il fallait profiter de cette situation, ne pas attendre que la flotte eût été ravagée à l’égal de l’armée et opérer l’évacuation, pendant que l’évacuation était non-seulement possible, mais facile.

Combien les caractères irrésolus à la guerre sont à plaindre ! Croit-on que Nicias méconnût la sagesse du conseil qui lui était donné ? Croit-on que sa vieille expérience ne l’inclinât pas à suivre un avis que la prudence la plus judicieuse inspirait ? Non ! Nicias ne pouvait avoir sur ce point une opinion différente de celle de Démosthène, et cependant Nicias résistait, Nicias différait de jour en jour les préparatifs de départ. Pourquoi résistait-il ? Pourquoi faisait-il à chaque entrevue surgir de nouveaux prétextes d’atermoiement ? Il résistait par cette seule raison qu’obéir à la prudence, que se retirer, c’était prendre un parti et que rien, dans l’état d’affaissement où il était tombé, ne pouvait lui coûter davantage. Le ressort de son âme semblait brisé. Pour éviter l’effort devant lequel il fuyait, on le voyait se nourrir des espérances les plus déraisonnables. « Ses travaux d’ingénieur marchaient bien, son mur de circonvallation avançait, ses partisans gagnaient du terrain dans la ville ; bref, rien ne pressait, et il y avait peut-être moins d’inconvéniens à rester qu’à partir. — Portons-nous du moins à Catane, lui disait Démosthène. De Catane nous ferons des incursions sur tous les points de la côte. S’il nous faut alors livrer des combats de mer, nous les livrerons ayant de l’espace devant nous ; cela ne vaudra-t-il pas mieux que de continuer à lutter dans ce bassin resserré où nous perdons la faculté précieuse de manœuvrer et de déployer nos lignes ? — Vous raisonnez fort bien, répondait Nicias, mais c’est ainsi que je raisonnais l’an passé. On m’a blâmé alors, ne me blâmerait-on pas à plus forte raison aujourd’hui ? Nous avons un maître dont on ne contrarie pas sans danger le naturel exigeant et l’humeur morose ; prenons ses ordres avant de rien décider. » Le temps s’écoulait ainsi dans des hésitations funestes. Démosthène finit par rallier à son opinion le second collègue de Nicias, Eurymédon. Fort de l’assentiment du fils de Théoclès, il redoubla d’instances. Nicias était sur le point de céder, quand les Syracusains reçurent des côtes de la Libye un important renfort.

Comment pouvait-il venir aux Syracusains des secours de l’Afrique ? Ce n’étaient pas des Africains, c’étaient des hoplites du Péloponèse que le vent du sud leur apportait. Les Spartiates ne s’aventuraient