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indices de la civilisation : elle aura ses imprimeries, ses journaux, son théâtre, ses grands hôtels, ses comités de toute sorte, et ayant tout ses églises et ses écoles. Que la source vienne à tarir, et tout disparaît ; la population émigré et cherche fortune ailleurs. Il s’ensuit qu’on se marie moins que dans le bon vieux temps, et surtout qu’on a beaucoup moins d’enfans ; l’accroissement de la population s’est considérablement ralenti, et en même temps l’immigration supplée moins qu’autrefois à la fécondité des familles américaines[1].

Nous venons de montrer que les cultivateurs ne constituent en Angleterre qu’une bien faible fraction de la population totale ; aux États-Unis, la situation n’est pas beaucoup meilleure. Dans cette contrée, qui, il y a un siècle, était encore une colonie purement agricole, où aujourd’hui encore la terre ne coûte pour ainsi dire que la peine de la défricher, sur 28,200,000 individus âgés de plus de dix ans, 5,900,000 seulement s’occupent d’agriculture ! Ce chiffre est supérieur à celui du recensement de 1860 ; mais que. l’on veuille bien méditer ceci : les agriculteurs n’ont augmenté en dix ans que de 18 pour 100, les industriels de 28 pour 100, les commerçans de 44 pour 100 ; or, la fécondité des populations rurales étant bien supérieure à celle des populations urbaines, la désertion des rudes travaux des campagnes ressort avec évidence. N’est-on pas en droit de dire que l’équilibre est rompu entre l’agriculture et l’industrie manufacturière et commerciale ? Et l’écart menace de devenir plus grand encore depuis qu’un tarif prohibitif a fait multiplier les fabriques d’une manière tout à fait anormale. Voilà sinon les causes directes de la crise, du moins l’explication de sa durée, et en même temps, on commence aie reconnaître, l’indication du remède. Et aux États-Unis le remède est possible, leur territoire a le don de l’élasticité, on n’a qu’à défricher pour l’agrandir.

Nous disons qu’on commence à le reconnaître, car on s’aperçoit. que le commerce et l’industrie sont seuls à souffrir. L’Union renferme des états purement agricoles ; lorsque la récolte a été bonne, la situation y est florissante, le cultivateur vend aisément ses denrées et profite de la baisse des produits industriels. C’est même dans

  1. Voici une des nombreuses preuves qu’on peut apporter on faveur de la diminution de la fécondité (Extrait du Census de 1870) :
    Nombre d’individus par famille Nombre d’habitans par maison
    En 1850 5.56 5.94
    En 1860 5.28 5.53
    En 1870 5.09 5.47


    Il y a beaucoup d’autres preuves. Nous avons sous les yeux des plaintes très vives émanées de médecins américains.