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désorganisation de la préfecture de police et qui se croit victorieuse en entendant les musiques militaires jouer la Marseillaise. C’est la république qui n’admet M. Jules Grévy lui-même qu’à la condition que M. Grévy se soumette aux volontés du radicalisme, et qui prétend bien ne pas laisser plus longtemps au pouvoir les derniers représentant du centre gauche demeurés dans le cabinet. C’est en un mot la république des réminiscences révolutionnaires, des traditions de violence, des fanatismes de parti, de l’esprit d’exclusion et de désorganisation. Elle est à l’œuvre depuis deux mois, et elle a eu du moins ce succès singulier de tout paralyser dans le parlement, de créer au gouvernement toute sorte d’impossibilités. Le radicalisme ne règne pas, il n’a pas la majorité dans les chambres ; mais par sa hardiesse il s’impose à la majorité réelle, il fausse toute la politique, et le seul résultat jusqu’ici de cette intervention ambitieuse et bruyante du radicalisme, c’est d’avoir compromis en deux mois la situation paisible et favorable qui existait au lendemain des élections sénatoriales, d’avoir créé un état de malaise, d’inquiétude et de défiance qui éclate partout, sous toutes les formes. Il faut dire tout simplement le mot : la république n’est pas en progrès dans la confiance du pays non plus que dans la confiance de l’Europe.

Le mal existe, il est incontestablement le résultat de deux mois d’agitations stériles, d’incohérences profondes. Toute la question est de savoir si, dans les divers partis modérés des deux chambres, il y a un sentinent assez énergique de cette situation pour se rallier à une politique de vigoureuse modération dont le gouvernement seul peut prendre efficacement la direction comme il en a la responsabilité. Le ministère, par son succès d’hier dans la discussion sur le procès du 16 mai, vient de voir ce que peut la fermeté ; mais cette fermeté ne serait qu’une démonstration inutile si elle ne se déployait qu’un seul jour, dans une seule affaire. C’est désormais à tous les instans, dans toutes les questions, dans toutes les circonstances, que le gouvernement et ceux qui le soutiendront doivent montrer une résolution énergique, un esprit de conduite invariable, s’ils veulent relever les affaires de la France par une république régulière, sérieuse et protectrice.

Le plus triste inconvénient de tout ce qui se passé depuis quelques semaines, c’est de perpétuer sans raison et sans nécessité, devant l’Europe comme devant le pays, une sorte de crise qui n’est qu’une œuvre artificielle de partis ; c’est de rouvrir sans cesse des perspectives d’agitations, au moment où pour le bien public, pour le régime même qu’on veut fonder et qu’on veut sans doute rendre durable, il n’y aurait à s’occuper que des vrais intérêts de la France Depuis deux mois que la session est ouverte, pourrait-on dire ce qui a été fait sérieusement pour ces intérêts, à quoi a servi jusqu’ici cette « harmonie des pouvoirs » qu’on réclamait, qui est censée avoir été conquise ? On vient de discuter sur