j’aimais ! » Dans un autre chant du même recueil, un dragon apprend à la jeune Rada que sa mère attache à sa chemise des herbes qui font haïr. Le dragon, entassant au-dessus de la maison y a vu la mère de la jeune fille, assise à l’étage supérieur. Cette magicienne, cette enchanteresse, cousait des chemises pour sa fille, elle y attachait toutes sortes d’herbes « qui font haïr, qui séparent. » — « Afin, ô Rada, ajoute le serpent, que je te prenne en haine, ta mère la magicienne enchante la forêt et l’eau ; elle a pris un serpent vivant et l’a mis dans un pot neuf, elle alluma dessous un feu de charbons blancs ; le serpent se tordait dans le pot, se tordait et sifflait, tandis que ta mère faisait ses incantations. »
Ces croyances sont celles de tous les Aryens. Nous les retrouvons, dès la plus haute antiquité, chez les Hindous. Dans le Rig-Véda, une femme tourmentée par la jalousie s’adresse à une « herbe puissante, extrêmement forte, » pour se délivrer de sa rivale : « O toi, dit-elle en la déracinant, dont les feuilles sont larges, ô plante heureuse, ô envoyée des dieux, ô robuste, éloigne de moi la rivale, fais en sorte que l’époux m’appartienne exclusivement. Donne-moi le dessus, le dessus, le dessus sur toutes les femmes supérieures ; que ma rivale, au contraire, devienne la plus infime des infimes. Je ne veux pas la nommer ; elle ne doit pas prendre du plaisir avec cet homme ; nous faisons partir bien loin la rivale. Je suis forte, et toi aussi tu es forte. Nous deux fortes, nous allons ensemble vaincre ma rivale. » Puis, mettant sur son époux endormi l’herbe magique, elle ajoute : « Je place sur toi la puissante, je t’entoure avec la puissante ; que ton esprit coure vers moi comme la vache vers le veau, comme l’eau sur la pente. » La plante dont il s’agit réunit donc les deux propriétés, comme la virga pastoris d’Albert le Grand ; elle rend odieuse la rivale, elle la chasse du cœur de l’époux ; comme la concordia des Piémontais, elle rend l’époux aimable.
Les merveilleuses « herbes de la Saint-Jean » nous permettent de rivaliser avec les prodiges de l’Inde védique. La saison dans laquelle tombe la fête du rude fils de Zacharie a disposé les chrétiens à lui attribuer les plantes consacrées au soleil. Les feux de la Saint-Jean font assez comprendre le caractère solaire d’une fête comme celle du précurseur, qui coïncide avec le solstice d’été. Dans la nuit de la Saint-Jean, le dualisme, qui partage les plantes entre le bon et le mauvais principe, cesse miraculeusement. Partout triomphe Ahoura-Mazda, le vainqueur des ténèbres, de la nuit et du mal. Aussi les herbes malfaisantes perdent toutes leur pouvoir diabolique, et dans ces momens heureux, mais, hélas ! trop courts, l’unité du plan divin se trouve momentanément rétablie. Cette trêve dure si peu que le jour même de la Saint-Jean, après le lever