Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/665

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ingénieurs et de marins, étudie sur place les difficiles questions soulevées par cette entreprise, à laquelle un projet de loi, soumis aux chambres, va consacrer immédiatement des sommes considérables. L’heure est donc propice pour parler des travaux à exécuter dans ce fleuve ou plutôt dans ce bras de mer, long de 100 kilomètres et large de plus de deux lieues en certains endroits. C’est l’œuvre maritime la plus considérable de France et sans doute du monde entier.


I. — ÉTAT ACTUEL DU FLEUVE.

Le navire qui entre dans la Gironde cherche d’abord à l’horizon la vague silhouette de la côte, dont l’apparition cause la première joie du retour. Puis il distingue la svelte colonne de Cordouan, qui semble, portée par les brisans enveloppant son socle. Bientôt une ligne blanche sort graduellement des eaux ; ce sont les monotones dunes qui s’étendent jusqu’en Espagne. Voilà le pilote embarqué ; le feu de la pointe de la Coubre est dépassé. Emporté par le flot, le navire défile rapidement devant Saint-Palais, Royan et Saint-Georges, charmantes stations de bains dont l’aspect riant, les grands pins, les toits rouges rappellent les villas de la côte de Gênes.

Après la pointe de Graves, qui marque l’entrée, le fleuve s’étale comme un vaste lac ; à droite la rive du Médoc, à gauche la côte de Saintonge. Sur la première, on trouve d’abord le mouillage du Verdon, où les navires descendant de Bordeaux attendent les vents propices pour prendre le large, et plus loin Pauillac, station des gros bâtimens dont la montée au port est arrêtée par les petites marées. C’est en arrière de cette côte du Médoc, formée par des alluvions du fleuve, que s’étagent les vignobles fameux, dont les noms sont sans nul doute ce que les lointains pays connaissent le mieux de nos illustrations.

La côte de Saintonge est moins monotone, avec sa suite de falaises blanches. Minées par l’éternel choc de la mer, ces falaises s’effondrent lentement, en laissant à nu les vestiges des civilisations qui ont vécu. Ici quelques substructions résistent par l’excellence des matériaux, dont la disposition atteste l’origine gallo-romaine. Là une tombe en pierre du moyen âge surplombe à moitié sur les vagues troublant l’asile de la mort. Plus loin la vieille église de Talmont est presque à pic au-dessus des flots qui ont déjà englouti le château fort, dernière possession des Anglais en Guyenne. Cette œuvre remarquable, du style roman le plus primitif, pourrait être conservée à l’aide de travaux peu coûteux.