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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/789

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et la nouvelle n’est autre que l’industrie. L’industrie, en effet, est fondée sur le principe de l’échange volontaire des services ; aussi, selon M. Spencer, a-t-elle contribué au développement du type moderne des états, dont elle peut être prise pour la caractéristique. Il y a, selon le philosophe anglais, deux types principaux de sociétés, la société guerrière, où l’état domine les individus, où tout est organisé par voie d’autorité en vue de la défense ou de la conquête, et la société industrielle, où les individus tendent à dominer l’état, où l’organisation se fait par voie de liberté en vue du progrès intérieur et du développement des richesses de toute sorte. Dans cette espèce de société, l’histoire nous montre le principe de l’échange s’étendant peu à peu des relations purement commerciales à toutes les relations sociales : la coopération de l’individu aux fins de la société devient de plus en plus volontaire. Il y a dans les temps modernes de nombreux exemples qui prouvent qu’un état où prédomine l’industrie tend naturellement aux institutions libres. Voyez les villes hanséatiques, les Pays-Bas, les États-Unis d’Amérique, enfin la Grande-Bretagne et ses colonies. A mesure que l’Angleterre, par son agriculture, son commerce et ses manufactures, prenait l’avance sur les états du continent, la liberté anglaise grandissait ; aujourd’hui, tous les états libres sont les pays où l’industrie et le commerce sont développés. M. Spencer remarque avec raison que les campagnes, où les transactions commerciales sont moins actives, ont partout conservé plus longtemps l’ancien type social avec les idées et les sentimens qui s’y rattachent. Le libre examen en matière religieuse accompagne la liberté politique, qui suit elle-même la liberté économique ; la hiérarchie ecclésiastique se relâche, comme toutes les autres, de sa rigueur ; au lieu d’un credo obligatoire, on voit s’établir diverses doctrines librement acceptées par les groupes religieux, qui se gouvernent eux-mêmes comme les groupes industriels. L’industrie elle-même devient de plus en plus indépendante : elle acquiert le droit de former des associations qui s’administrent démocratiquement. Les ligues des ouvriers et les contre-ligues des patrons, les compagnies d’actionnaires adoptent le régime représentatif, aussi bien que les sociétés « formées dans un but d’agitation politique. » Des associations particulières se chargent de beaucoup de fonctions qui, dans les états constitués sur le type militaire ; sont remplies par le gouvernement. Pour tout objet d’intérêt public il se fonde des sociétés philanthropiques, littéraires, scientifiques, toujours dirigées par un comité élu. Le principe de l’obéissance absolue au gouvernement fait place au principe opposé, d’après lequel la volonté des citoyens est la suprême loi dont le gouvernement n’est que l’exécuteur. Dans les périodes de paix, on voit tous les états se rapprocher du type industriel parce que les