d’observer, à mesure que vous montiez vers le Helder, comment les villages s’essaiment sur le polder, et de quel air d’indépendance toutes les maisons s’isolent comme si elles se fuyaient à l’envi. Rien ne donne mieux que ce petit fait le sentiment de la proverbiale taciturnité hollandaise. Les boers ont transporté dans l’Afrique australe cette singularité ; ils ne haïssent rien tant que le voisinage. Détenteurs de domaines énormes qui ne mesurent pas moins de six mille acres, il ne leur suffit pas de la distance que cette étendue met nécessairement entre eux, et ils l’augmentent encore autant que la chose leur est possible : aussi leurs fermes servent-elles de relais et d’hôtelleries aux voyageurs dans le Transvaal et l’Orange, les deux seuls états où ils se conservent à l’état primitif. Ces fermes, qui ne brillent ni par la propreté, ni par la commodité, ne diffèrent guère, s’il faut en croire les descriptions qui nous en sont données, des demeures de nos paysans des provinces les plus arriérées et ne sont guère dans le fait que de vastes chaumières. Elles se composent d’ordinaire d’un rez-de-chaussée divisé en deux ou trois appartenons considérables, et sans autre parquet que le sol boueux, raboteux, inégal que vous pouvez imaginer. Autour de la ferme s’étendent le petit nombre d’acres de terre que le boer met d’ordinaire en culture pour ses besoins et ceux de sa famille, — 50 ou 60 sur 6,000, — et tout proche de ses étables se présentent une ou plusieurs digues qui lui servent à emmagasiner l’eau des pluies pour ses troupeaux et l’irrigation de ses terres. Les maîtres sont à l’avenant du logis. Si vous y pénétrez, vous serez rarement reçu par des hôtes en habits de fêtes ; jadis, par mesure d’économie, le boer allait, dit-on, vêtu de peaux de bêtes comme Robinson, mais, la civilisation ayant marché, il porte aujourd’hui des habits d’étoffes qui sont toujours vieux, et ainsi sont tous ceux de sa famille, car la vanité n’a pas de prise sur les jeunes garçons, ni la coquetterie sur les jeunes filles. Pas d’autres serviteurs que les maîtres eux-mêmes, sauf parfois quelque enfant indigène élevé comme apprenti ; le boer déteste donner des salaires pour un travail quelconque. Dans cet intérieur peu brillant, vous trouverez cependant un accueil cordial, car en dépit de sa taciturnité le boer est hospitalier, et il vous offrira avec une politesse se sentant des manières d’autrefois un repas dont il vaudra mieux ne pas surveiller les apprêts, et un lit qu’il vaudra mieux ne pas visiter avant d’en user. Cette hospitalité, à la vérité, ne sera pas tout à fait celle des montagnards écossais, mais la carte à payer au départ sera si peu de chose, cinq ou six shillings tout au plus ; l’hospitalité gratuite du colon allemand ou anglais qui repousse avec dignité toute indemnité de nourriture et de logement, mais qui trouve moyen de se rattraper largement sur le fourrage de vos chevaux, est, paraît-il, beaucoup plus chère ;
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