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sur-le-champ, et la mère se retire en fichant une épingle à un pouce ou deux de la flamme pour mesurer au jeune couple ses heures d’entretien. Quelquefois les amans trouvent que l’épingle a été fichée trop haut, alors ils ont un moyen de faire durer la conversation plus longtemps que la mère ne voulait le permettre : c’est de semer sur la flamme quelques grains de sel qui la font crépiter et empêchent la mèche de se consumer trop vite. Voilà des coutumes, cela se voit sans peine, qui ont pris naissance sur les bords de la Mer du Nord et du Zuyderzée ; où elles sont peut-être oubliées, plutôt que dans les fermes de l’Afrique australe. À ces mœurs simples se joignent des croyances opiniâtres. Le boer est religieux jusqu’au fanatisme, religieux à la manière populaire, c’est-à-dire par tradition et sans examen. Les distances qui l’arrêtent tant qu’il ne s’agit que de plaisirs, d’éducation, de sociabilité ou même d’intérêt, ne comptent plus dès qu’il s’agit de religion ; aussi aux jours de grandes fêtes les voit-on affluer des districts les plus lointains dans Pretoria, Potchefstpom ou Bloemfontein, encombrant les places de ces villes de leurs chariots, et attendant patiemment leur tour de pénétrer dans l’église et d’assister au service sacré qui doit être renouvelé plusieurs fois pour suffire A l’appétit de dévotion de cette multitude.

Les boers ont été vaincus, est-ce définitivement ? Il est improbable que l’avenir nous réserve la surprise de nouveaux exodes ; il l’est davantage encore qu’ils cherchent à échapper à l’Angleterre par la rébellion. L’histoire des trente dernières années a certainement porté ses fruits d’expérience, et ils doivent savoir maintenant que, si le pouvoir britannique disparaissait de l’Afrique australe, ils se trouveraient trop faibles pour résister aux multitudes noires qui pèsent sur tous les points des frontières coloniales. Ils n’ignorent pas davantage que l’Angleterre peut créer pour eux tout ce qu’ils n’ont pu se donner avec leurs ressources insuffisantes, ces centres urbains où ils trouveront des marchés pour leurs produits, ces écoles où leurs enfans pourront recevoir l’instruction dont ils ont été privés jusqu’ici, ces chemins de fer enfin, si convoités de M. Burgers, qui les tireront de l’intérieur des terres où ils sont comme étouffés, les mettront en communication avec les autres colonies, et leur ouvriront la route de la côte orientale. La force, le souci de la sécurité, l’intérêt peuvent beaucoup, et l’Angleterre possède tous ces moyens d’action sur les boers ; ces moyens ne peuvent pas tout cependant, et la domination la plus puissante est toujours mal assurée tant qu’elle ne dispose pas des cœurs. Or ici les cœurs sont ouvertement hostiles ; on a pu le voir tout récemment lorsqu’à la suite du désastre essuyé par lord Chelmsford le gouvernement britannique a voulu foire appel au concours des boers contre les