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moyennant une rente de 25,000 francs constituée en faveur du métis Waterboer et de sa famille, sans autre compensation pour le menu peuple des Griquas, et l’a rattaché à la colonie du Cap. Il est difficile de croire maintenant que, quand bien même le gouvernement colonial aurait l’évidence contre lui, il consentirait à se dessaisir de sa riche proie par amour platonique du bon droit, d’autant mieux qu’il y a un moyen infaillible de couper court à toutes les difficultés, qui est d’annexer pour la seconde fois l’état d’Orange.

En 1811, l’année même ou Adam Kok conduisait ses Griquas sur le territoire des futurs champs de diamans, les colons du Cap, poussant toujours davantage vers le nord, atteignirent le point de Graaf Reynet, contigu au territoire du Zuurveld, et se trouvèrent en présence des Cafres, ennemis autrement redoutables que les pauvres Hottentots. Ce nom de Cafres n’étant pas un nom de race, mais seulement une qualification morale appliquée originairement par les Arabes aux tribus avec lesquelles ils commerçaient dans les pays limitrophes de la côte orientale, il est assez difficile de dire avec exactitude à combien de tribus il doit être étendu. Selon quelques-uns, il faudrait entendre par pays des Cafres toute la partie orientale de l’Afrique australe jusqu’à la baie de Lagoa, ce qui comprendrait le Natal et le pays des Zoulous, et cette opinion est en effet assez bien justifiée par le sobriquet même qui a nommé ces tribus, car il est improbable qu’il n’ait pas été appliqué à l’origine de la manière la plus générale possible. Le pays des infidèles, cela s’entendait évidemment non de tel ou tel point strictement limité, mais de toute une vaste étendue embrassant des tribus de même race, sinon de même famille, de mêmes mœurs, de mêmes caractères physiques, et toutes également idolâtres. Quoi qu’il en soit de la justesse de cette opinion, cette appellation de Cafres est réservée exclusivement aux tribus qui occupent aujourd’hui les régions situées à l’est et au nord-est de la colonie du Cap, régions divisées par la rivière Keï en deux pays distincts, l’un la Cafrerie anglaise, depuis longtemps soumise et annexée, l’autre la Cafrerie indépendante, fort entamée depuis la révolte de Kreli en 1877. Là vivent trois grandes tribus ou plutôt trois petits peuples, les Amaxosas, les Amatembus et les Amapondos, lesquels se subdivisent en peuplades, qui à leur tour se fractionnent en groupes plus petits. Il n’y a en effet aucune fixité dans ces agglomérations noires, et elles se forment ou se dissolvent, gagnent ou perdent leurs noms, comme nos royaumes barbares sous les deux premières races, selon le hasard des successions princières et souvent aussi selon la célébrité des chefs. Ainsi, pour prendre l’exemple du plus valeureux de ces peuples, les Amaxosas, qui tirent leur nom de Xosa, onzième ascendant de Kreli, le révolté de 1877, n’existent réellement plus sous