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d’acres ont été aliénés par le gouvernement colonial sous diverses formes ; de ces 80,000,000 d’acres, 550,000 seulement sont en culture, dont 150,000, et non de la moindre qualité, appartiennent aux indigènes. On voit que dans cette région le progrès agricole a devant lui de vastes horizons. Aussi, bien que les blés du Cap soient les plus beaux du monde, la colonie ne récolte-t-elle pas assez pour se nourrir, et se voit-elle obligée chaque année à des importations de grains considérables, relativement au chiffre des habitans, 126,654 livres sterling en 1875.

A ce fléau de la sécheresse, les hommes ont encore ajouté les fléaux de leur avarice et de leur convoitise. Une des causes qui laissent et laisseront longtemps stérile la majeure partie des terres africaines, c’est l’inutile immensité des domaines. Le Transvaal est l’exemple, le plus remarquable de ce vice de la propriété africaine. Lorsque les boers s’y établirent, ils se saisirent de la terre et se la distribuèrent par tronçons énormes, aucun d’eux ne voulant d’une ferme qui mesurât moins de 6,000 acres. Il va sans dire que des fermes d’une telle étendue n’étaient en rapport ni avec leurs besoins, ni avec leurs ressources, ni avec leurs moyens d’exploitation, et qu’en s’attribuant de si gros morceaux, ils n’avaient pour but que de satisfaire un appétit d’accaparement poussé jusqu’à la gloutonnerie. Sur ces immenses fermes, il faudrait des légions de travailleurs, mais le boer n’a pas de capitaux abondans à sa portée, il ne dispose pas de la place de Londres comme le squatter australien ou néo-zélandais, et d’ailleurs il répugne à son avarice de dépenser de l’argent pour un salaire quelconque. Il ne cultive donc de sa ferme que ce qu’il en peut cultiver lui-même ou par le moyen de sa famille, 50, 60 acres au plus, le reste demeure en l’état où la nature au sortir du dernier âge géologique l’a légué à notre ère moderne. Il est évident que sa ferme pourrait être réduite des trois quarts sans qu’il y perdît rien, et que d’autres cultivateurs pourraient prospérer sur ses domaines, condamnés à rester toujours stériles entre ses mains. ; mais comme il est après tout bien légitimement propriétaire, qu’il a pour lui titre, occupation et prescription, qu’il déteste les voisinages trop proches et qu’une des raisons qui l’ont fait s’emparer de si vastes étendues était d’être maître absolu dans sa solitude, il se refuse à l’aliénation de la moindre partie de ses terres, et exclut ainsi tout nouveau venant. Le temps seul, par les inévitables divisions d’héritages, les accidens de fortune et les transactions libres, pourra porter remède à cette vicieuse distribution de la propriété.

Les colonies de l’Afrique sont toujours immédiatement citées après l’Australie et la Nouvelle-Zélande pour la production de la laines mais, elles restent fort en arrière de leurs rivales et pour la