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vogue semble en avoir pris parmi les propriétaires comme une traînée de poudre, car en 1865 il n’y avait pas dans toute la colonie plus de 80 autruches privées, et en 1875 il y en avait 21,751, qui avaient fourni à l’exploitation pour plus de 8 millions de francs de plumes. Ces oiseaux se nourrissant eux-mêmes, n’exigeant qu’une médiocre surveillance, étant de tempérament invulnérable à toutes les intempéries du climat, et rendant chacun un revenu moyen de 15 livres sterling par an (375 francs) l’élevage peut être dit rémunérateur au plus haut degré. Toutefois cette spéculation est soumise à certaines conditions qui la rendent souvent aventureuse et en certains cas ruineuse. Une de ces conditions défavorables est le haut prix de ces animaux : chaque autruche représente une valeur qui varie entre 30 et 75 livres. Qu’un vol soit commis, qu’il arrive un de ces accidens qui sont le résultat fréquent de la stupidité et de la maladresse de ces oiseaux, et voilà tout aussitôt pour le fermier une grosse perte à inscrire sur son livre de comptes. Un autre inconvénient plus grave en ce qu’il n’a rien d’accidentel, c’est que les autruches gâtent leurs plumes pendant la période de l’incubation, qui est à peu près de deux mois ; or, comme on les plume deux fois par an, cette particularité peut entraîner là perte d’une moitié du revenu qu’elles rendent. D’autre part, la reproduction est absolument indispensable si l’on veut entretenir ou accroître son parc, car on ne peut songer à acheter un troupeau de volatiles d’un prix aussi considérable comme on achète un lot de moutons pour commencer une étable. M. Trollope visita un de ces parcs près de Grahamstown, dans l’est de la colonie du Cap, qui contenait environ 300 autruches ; si le propriétaire avait dû les acheter toutes, c’est un capital de plus de 300,000 francs qu’il lui aurait fallu débourser, avance de fonds qui n’est pas à la portée et du goût de tous les fermiers, même riches et entreprenans. Pour triompher de ces difficultés, on a eu recours à l’incubation artificielle, et ce procédé de reproduction a donné fréquemment de bons résultats ; mais l’opération est des plus délicates, et, lorsqu’elle ne réussit pas, des plus coûteuses, chaque œuf ayant une valeur moyenne de 5 livres (125 francs). Il en est un peu, on le voit, des autruches du Cap comme des immenses troupeaux d’Australie ; la spéculation est excellente, mais, pour se faire par ce moyen une fortune, il est à peu près indispensable de commencer par en avoir une.

Nous ne voyons guère une culture essayée dans les colonies sud-africaines qui n’ait été suivie de quelque déception. Les céréales sont insuffisantes faute d’irrigation. L’élevage des moutons s’est arrêté à un demi-succès. On a cru le climat de Natal favorable à la culture du café, et des plantations y ont été faites à grands frais ; il a fallu