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y renoncer. La canne à sucre, introduite dans cette colonie en 1849, a mieux réussi, et aujourd’hui les plantations de ce précieux roseau y occupent de vastes étendues. Un fait assez curieux c’est que cette culture est conduite dans Natal exactement comme dans Queensland, à ce point que l’on croirait que les cultivateurs de l’une des colonies se sont réglés sur ceux de l’autre. Dans les anciennes et riches colonies à sucre, à Cuba, à la Jamaïque, aux Barbaries, le planteur est en même temps manufacturier ; il récolte son produit, le transforme en 6ucre, et y ajoute encore, dans nombre de cas, la fabrication du rhum ; mais, pour exécuter ce double et triple travail avec profit, il faut réunir des conditions de richesse et d’autorité que ne peuvent réunir les colons de Natal et de Queensland, et que les lois de la Grande-Bretagne défendent désormais à ses sujets d’atteindre jamais, le monopole et l’esclavage. Obligés à des prétentions plus modestes, les colons de Natal, comme ceux de Queensland, trouvent plus avantageux de vendre leurs cannes ou de faire fabriquer le sucre en abandonnant une partie du produit pour prix de la fabrication. Des manufactures se sont donc établies dans les districts des plantations ; mais les distances sont souvent considérables, la quantité de cannes nécessaires pour fabriquer une tonne de sucre est énorme, en sorte que, malgré cette commodité donnée aux cultivateurs, une grande partie des profits est absorbée par les frais de transport. Un autre désavantage pour le planteur de Natal, c’est qu’il ne peut pas se procurer les travailleurs sur place. Cafres et Zoulous ont été essayés, mais Cafres et Zoulous travaillent capricieusement, irrégulièrement, selon le besoin qu’ils ont d’un salaire, et, à moins de contrainte, choisissent toujours le travail le moins fatigant ; c’est dire qu’ils n’ont garde de rechercher celui des plantations de sucre, où il semble que bien décidément un certain régime de contrainte est nécessaire. Force a donc été de chercher au dehors des travailleurs qui répondissent aux conditions qu’exige cette culture, et de même que les colons du Queensland, ne pouvant rien faire ni des blancs ni des aborigènes australiens, se sont adressés aux Polynésiens, les colons de Natal se sont adressés aux coulies indiens. Ces coulies sont transportés dans la colonie par le gouvernement et à ses frais, et s’engagent envers lui à servir pendant dix ans. Une fois arrivé à destination, le coulie est loué pour cinq ans à un planteur qui s’engage à payer au gouvernement quatre livres par an pour remboursement de ses dépenses et douze shillings par mois à son homme, plus la nourriture, le logement et les soins du médecin en cas de maladie, le tout montant environ à 20 livres sterling par an. Si ce n’est pas l’esclavage, c’est au moins l’aliénation temporaire de la liberté par contrat, et, grâce à ce moyen détourné, le planteur de Natal retrouve l’équivalent de ce travail contraint que son grand