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Ma pauvre âme sur ton passage
S’était ouverte doucement.
Mais voilà que ta main distraite
A cueilli mon âme en rêvant,
Comme on cueille une pâquerette
Que l’on effeuille ensuite au vent.
Tes doigts ont meurtri son calice,
Pétale à pétale arraché
Et tes yeux ont vu mon supplice
Sans que ton cœur en fût touché.
Et maintenant par toute plaine
Errent, sans parfum ni couleur,
Au gré mouvant de chaque haleine
Les débris de mon âme en fleur.


Pour finir par une critique et par un conseil, nous dirons à M. Paté que sa poésie, d’une forme correcte et d’un sentiment élevé, gagnerait beaucoup s’il y apportait des couleurs plus fortes, une pensée plus intense et plus énergique. La lyre est là ; mais elle ne vibre pas toujours avec assez de vigueur. Or la musique de l’âme comme l’autre se compose d’une alternance perpétuelle du piano et du forte, le jeune poète dont nous parlons a peut-être une préférence trop marquée pour le pianissimo. En somme, il y a deux manières de comprendre le lyrisme, l’une consiste à exprimer la poésie du réel, l’autre à donner une forme à l’idéal, c’est-à-dire à la vie intérieure de l’âme. La première exige une observation fine et variée, la seconde une pensée active et un sentiment très individuel. C’est cette dernière que nous recommandons plus particulièrement à M. Pâté comme répondant le mieux aux cordes délicates de son talent aussi sincère que sympathique.



Étude sur Nicolas de Grouchy et son fils Timothée de Grouchy, sieur de La Rivière. Paris,


Sous ce titre, M. le vicomte de Grouchy, assisté de M. Emile Travers, vient de donner une intéressante monographie. On ne connaissait qu’un peu vaguement Nicolaus Gruchius Rothomagensis, dont le nom se confondait volontiers, non sans honneur du reste, parmi ceux des érudits humanistes qui, par leur enseignement et leurs écrits, ont préparé les fortes générations de la seconde moitié du XVIe siècle. Les documens de famille que M. le vicomte de Grouchy avait à sa disposition ont fait ressortir les traits particuliers de cette curieuse physionomie. Nicolas Gruchius est replacé habilement dans le milieu agité que lui a fait le tumulte religieux, politique, intellectuel de son époque. Il y a pris une part active de diverses façons : d’abord, en changeant de foi religieuse, puis en répandant sur diverses scènes un enseignement qui paraît avoir exercé une sérieuse influence. Professeur de philosophie et de grec tantôt à Paris, tantôt au célèbre collège de Guyenne à Bordeaux, tantôt à Coïmbre