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pauvres fillettes dont le sort n’était plus douteux. Lyaz, convoquant ses amis et parfois même recevant Fenouillas, faisait le pacha dans ce harem. On vit là le respect que le peuple a pour les filles du peuple. Les petites malheureuses, ivres, et abruties, dormaient pêle-mêle dans les cours avec les fédérés. Lorsque après la défaite de la commune les sœurs accoururent dans leur maison polluée, elles jetèrent un cri d’horreur en revoyant leurs élèves. « Cinq d’entre elles étaient presque aveugles par suite d’ophtalmie purulente ; d’autres agonisaient ; quarante-cinq étaient couvertes d’un mal affreux à la tête. » Lorsque les communards parlent de la commune, ils disent : Ah ! c’était le bon temps[1] !

Beaucoup de faits analogues se sont produits qu’il faut, par réserve, passer sous silence. Le côté immoral de la commune, qui fut excessif, ne pourra jamais être publiquement dévoilé. A la préfecture de police, dans les ministères, dans bien d’autres endroits qu’il est superflu de désigner, à l’Hôtel de Ville même, il y eut des actes tellement scandaleux que l’on ne peut y faire allusion ; toutes les impudeurs et toutes les cruautés s’étalaient sans contrainte. Les femmes, je dois le dire, étaient plus effrontées que les hommes, et c’était quelque chose d’absolument extraordinaire d’entendre ces créatures parler, en hochant la tête, des mœurs du clergé. Aux jours de la Genèse, Paris eût été foudroyé ; mais le feu du ciel n’eut pas à tomber, le pétrole a suffi.

La persécution contre le prêtre, contre la femme qui, librement, pour servir sa foi, a choisi la vie conventuelle, la persécution contre les sœurs qui élèvent les enfans, soignent les malades, secourent les misères ne parut pas une œuvre satisfaisante aux pyromanes de l’Hôtel de Ville. Ils voulurent détruire l’image matérielle de la religion, anéantir le monument, renverser le temple où les fidèles vont prier parce que c’est leur droit, comme d’autres ont le droit d’aller s’abreuver au cabaret. Un des derniers ordres expédiés par Eudes, membre du comité de salut public, au commandant de la batterie placée au Père-Lachaise porte textuellement : « Tire sur les églises. » On peut admettre jusqu’à un certain point que l’on brûle des édifices pour protéger une retraite ou arrêter la marche des assaillans, mais préparer l’incendie d’une église seulement parce que c’est une église paraît une conception si étrange que l’on est tenté de la prendre pour un acte de folie. La commune cependant n’a point hésité ; jusqu’au bout elle est restée fidèle à son principe. Sur Saint-Laurent dévasté elle a écrit : Écurie à louer, et

  1. Procès Girault ; déb. contr., cinquième conseil de guerre, 13 novembre 1871 ; procès Fenouillas, Pontillon et Lenôtre ; déb. contr., cinquième conseil de guerre, 1er juillet 1872 ; procès Lyaz ; déb. contr., troisième conseil de guerre, août 1877.