Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 34.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bout, jusqu’au bulletin négatif, n’ont point entendu assurément créer un embarras à la république, qu’ils ont cru au contraire servir, ni même se séparer d’un gouvernement qu’ils soutiennent habituellement de leur vote. Ils ont voulu signaler des écueils contre lesquels on va se heurter, désavouer certaines tendances dont on ne se défend pas assez, relever le drapeau trop méconnu des idées libérales et définir la position qu’ils entendent garder. Ils ont voulu montrer que pour un grand pays en possession de ses forces, maître de lui-même par ses institutions, par son gouvernement, par tous ses pouvoirs, il y a quelque chose de mieux à faire que de « batailler avec les robes noires et les moines, » ou de jouer indéfiniment avec le spectre du 16 mai, qui commence un peu à vieillir. Ils ne sont qu’une minorité dissidente et impuissante, dit-on parfois avec une certaine ironie, ils ne sont que le centre gauche perdu et noyé dans l’immense majorité républicaine dont ils sont obligés de subir les volontés ou qui se passera d’eux s’ils ne veulent la suivre. Ils ne sont qu’une minorité, c’est possible ; on se passera d’eux, c’est une autre question qui est probablement destinée à se reproduire plus d’une fois. Leur rôle pour le moment est de ne pas craindre d’être une minorité, de ne redouter ni certaines scissions, ni les alliances honorables qui peuvent se renouer utilement. Ils n’ont qu’à rester sur la position où ils se sont placés, résistant à tous les entraînemens, saisissant toutes les occasions de préciser leur politique, opposant sans crainte à cette « république des républicains » dont on parle souvent, qui n’est qu’une chimère ou une usurpation de parti, la république de la France, de la modération libérale dans les affaires intérieures, de la prévoyance dans les affaires extérieures.

Ces affaires extérieures, il est vrai, du moins les affaires qui intéressent tous les pays, ne sont pas des plus actives depuis que la question d’Orient est rentrée dans cette sorte d’obscurité où les incidens s’apaisent, où les difficultés se dénouent avec la lenteur que la diplomatie met en toute chose. S’il est pour le moment un fait particulièrement caractéristique en Europe, c’est une variété assez curieuse de crises ministérielles et parlementaires, les unes peu importantes sans doute, les autres peut-être assez graves et faites pour caractériser la situation de certains pays, la direction de certains gouvernemens. Des crises ministérielles, il y en a un peu partout. Il y avait ces jours derniers un changement à La Haye. Il y a déjà ou il va y avoir nécessairement une crise à Vienne à la suite des élections récentes qui font entrer dans le parlement cisleithan des élémens tout nouveaux et substituent une majorité conservatrice, peut-être un peu fédéraliste ou particulariste, à l’influence jusqu’ici prépondérante du libéralisme centraliste allemand. A Rome aussi il y a un coup de théâtre parlementaire et ministériel. Le cabinet Depretis a été brusquement renversé par une coalition à propos de cette loi sur la mouture qui a mis en conflit la chambre des députés