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posait le dilemme fatal ; c’est ici que l’auteur osait dire en termes un peu vifs que dès les premiers jours du nouveau ministère on avait senti « la royauté compromise et frappée. » Ces paroles pouvaient sembler fortes, mais tous les journaux alors, aussi bien ceux de droite que ceux de gauche, discutaient publiquement depuis plusieurs mois les chances d’une révolution, les uns pour effrayer le pays, les autres pour effrayer le roi. Mais en montrant le péril Dubois montrait le remède : « Et cependant, disait-il, il y a dans tous les esprits un tel besoin de paix que chaque fois que la royauté se sépare de ceux qui la compromettent, à l’instant même revient à tous l’espérance d’enchaîner le sort des Bourbons à l’avenir de la liberté. » Sans doute, le parti était trop engagé pour que ce sage conseil fût encore de mise, mais à qui à la faute ? Et était-ce un attentat contre le personne royale, une provocation à renverser le trône que de proposer aux Bourbons le rôle qu’ont pratiqué depuis, avec tant d’honneur, les monarques d’Angleterre, de Belgique et d’Italie ? Un tel rôle ne leur eût-il pas fait à eux-mêmes plus d’honneur dans l’histoire que celui de rois détrônés, ou d’héritiers mystiques d’une monarchie impossible ! Rien ne fut écouté. Dubois alla en prison et Charles X en exil.

Si nous avons bien résumé la pensée politique du Globe, on doit voir qu’elle pouvait se réduire à cette formule, si à la mode il y a quelques années : le gouvernement du pays par le pays. A la vérité, on ne connaissait alors que le pays légal, le pays du suffrage restreint. Dubois eût-il voulu une extension de ce suffrage égale à celle qui existe aujourd’hui ? Il est probable que non, et d’ailleurs personne alors n’y pensait. Dubois, comme les hommes de sa génération, même les plus libéraux, Thiers, Rémusat, Odilon Barrot, se contentait d’un pays légal, mais de plus en plus ouvert ; et sous le gouvernement suivant, il fut de ceux qui réclamaient vivement l’extension des droits électoraux. Il ne désirait pas, il n’eût pas accéléré le moment où ce droit de suffrage devait être donné à tous ; mais ce que l’on peut tenir pour certain, c’est qu’une fois ce droit acquis, une fois le suffrage universel devenu la loi du pays, il serait resté inflexiblement fidèle à son principe du gouvernement du pays par le pays. Il n’eût connu jamais d’autre règle que celle de la majorité, d’autre souveraineté que celle de l’opinion. Il eût donc été de ceux qui se fussent ralliés à la politique de M. Thiers ; ou plutôt, pour mieux dire, il a été de ceux-là, car il a pu voir encore les premières phases de notre histoire actuelle. Dans le moment où nous sommes, tout en restant parmi les plus modérés, tout en conseillant la prudence et la lenteur aux chefs de parti, il