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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 34.djvu/553

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difficile de ne pas se rappeler le cri que jeta Vergniaud après les massacres de septembre : « Et les Parisiens osent se dire libres ? Ils ne sont plus esclaves, il est vrai, de tyrans couronnés, mais ils le sont des hommes les plus vils, des plus détestables scélérats. »

Ce spectacle de révolutionnaires reniant la révolution, de persécuteurs se déguisant en sauveurs, ne fut point épargné aux conseils de guerre qui eurent à juger les acteurs de la commune. Ce fut vraiment très laid. On s’attendait à mieux de la part d’hommes qui avaient affiché de si exorbitantes prétentions. Les plus courageux ont plaidé les circonstances atténuantes ; les autres ont menti. Les incendiaires ont juré qu’ils avaient éteint les incendies ; les assassins ont affirmé qu’ils avaient sauvé les victimes ; tous se sont jetés dans la commune par amour de l’ordre et par dévoûment au pays. Tant d’avachissement après tant de fureur serait pour surprendre, si l’on ne savait que les âmes naturellement basses sont sujettes à ces transformations subites. Quelques-uns d’entre eux, qui furent jusqu’au de la du crime les serviteurs de la commune, serviteurs implacables et sans merci, semblent avoir voulu, en prévision de l’avenir, se réserver des moyens de défense. J’ai sous les yeux une lettre bien singulière de Sérizier, de ce chef redouté de la 13e légion, maître du 101e bataillon, incendiaire des Gobelins, assassin des dominicains d’Arcueil, de ce Sérizier en un mot qui, dans la soirée du 22 mai, vint à la prison de la Santé, en compagnie de Jean-Baptiste Millière, afin d’y faire exécuter l’ordre donné par Ferré de fusiller les otages. Cette lettre n’est pas datée, mais elle a certainement été écrite entre le 26 mars et le 1er avril ; elle est adressée au général Chanzy : « Monsieur, j’ai l’honneur de vous adresser ces quelques mots, pour faire un appel à votre loyauté bien connue. J’ai lu avec surprise dans plusieurs journaux, que vous aviez été sauvé de la fureur de la multitude par M. Léo Meillet et M. Combes, tous deux adjoints au XIIIe arrondissement. Sans vouloir retirer en rien à ces messieurs le courage et l’énergie qu’ils ont déployés dans cette triste circonstance, je rappelle à votre souvenir que votre vrai défenseur fut un capitaine du 101e bataillon qui, sorti de prison le matin même, a, par son courage et au péril de sa vie, fait tout ce qu’il était humainement possible de faire pour arriver à ce but. Je vous rappellerai qu’il vous prit par le bras en vous disant : Je réponds de vous sur ma tête, et que, le sabre à la main, il a loyalement tenu sa promesse en vous mettant en sûreté dans les murs de la Santé. Aujourd’hui que, par suite d’instances, vous êtes libre, je pense que vous voudrez bien rectifier cette erreur et rendre à chacun ce qui lui est dû. Ne voulant aucunement attirer les regards sur moi et n’ayant fait que mon