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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 34.djvu/560

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aller vers la rue Haxo. Le héros de la bande, c’est Mégy ; il mérite quelque intérêt, il appelle l’attention, car il a tué un inspecteur de police chargé de l’arrêter. Par patriotisme, — pendant la commune, — il commandera et abandonnera le fort d’Issy ; il ira aider à tuer Mgr Darboy. En 1870, à son domicile, on a saisi une pièce de vers qui est tout un programme, le programme que l’on essaiera d’exécuter, — c’est le vrai mot, — après le 18 mars. A-t-il été composé par Mégy ? Je ne crois pas, car l’homme m’en paraît incapable ; mais cette paperasse est écrite et signée de sa main :

Aux barricades ! feu ! levons-nous prolétaires !
L’éclatant drapeau rouge enflammera mos cœurs ;
Qu’on les détruise tous, bourgeois, propriétaires,
Car il faut qu’à tout prix nous en soyons vainqueurs !


Les vers ne sont pas bons, mais l’intention en est excellente, quoiqu’ils n’aient point été improvisés dans un accès de fièvre obsidionale.

Dès que l’empire s’écroule, le gouvernement de la défense nationale, avec une imprudence extraordinaire, rejette ces hommes sur le pavé. On en a peur, ils tiennent la populace par le club et le cabaret. Ils demandent la sortie « torrentielle » pour mettre hors de la ville nos soldats, les mobiles, les gardes nationaux de bon vouloir, et rester maîtres du terrain où ils comptent bâtir leur commune. — Comment ils comprenaient la défense de Paris, on le vit dans la soirée du 31 octobre. — On en mit quelques-uns en prison ; ils n’y restèrent pas longtemps ; il faut glisser rapidement sur ces faits, car on éprouverait trop d’humiliation à s’y appesantir. Théophile Ferré se présente chez le préfet de police, et lui demande une autorisation qui lui est refusée ; en se retirant, il cambre sa petite taille et crie de sa voix de fausset : « Monsieur, nous porterons votre tête au bout d’une pique ! » Gabriel Ranvier est à Sainte-Pélagie, car il avait été très actif au 31 octobre ; il obtient, sous je ne sais quel prétexte de famille, la permission de sortir pendant quarante-huit heures. Il se rend dans un club et y dit ceci : « Ils n’ont pas le courage de me fusiller ; mais nous, nous aurons ce courage, et nous les fusillerons. » Et par ma foi, il tint parole. Lorsque le cortège des otages passa devant l’église de Belleville, Ranvier, debout, tête nue, adossé à la grille, donna l’ordre : « Allez les fusiller[1]. » On lui obéit et l’on alla rue Haxo.

Toute la future commune est présente au 31 octobre et se montre le 22 janvier. Pendant la période d’investissement, lorsque nous

  1. Massacre de la rue Haxo ; déb. contr., sixième conseil de guerre, audience du 10 mars 1872.