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La reine avait fait arrêter les princes de Condé et de Conti et leur beau-frère le duc de Longueville. Trois partis divisaient la France : celui des anciens frondeurs, celui de la nouvelle fronde, celui de Mazarin. Le parlement cherchait à prendre entre eux le rôle de médiateur et à asseoir ainsi sa prépondérance dans le gouvernement de l’état. Chez le haut clergé, les sentimens étaient en général peu favorables au cardinal. L’esprit de l’assemblée de 1650 en fut le miroir fidèle ; il se décela par l’attitude qu’elle prit dès les premières séances. Elle venait de recevoir d’énergiques réclamations des évêques de Guyenne contre les violences dont le duc d’Épernon s’était rendu coupable à leur égard, violences qui avaient été telles que plusieurs de ces prélats s’étaient vus contraints de quitter leur diocèse. La compagnie indignée décida qu’elle se rendrait en corps près de la régente pour lui demander justice. Anne d’Autriche, tout en blâmant fort la conduite de l’irascible gouverneur de Guyenne, craignait de se l’aliéner. Elle avait besoin de sa coopération pour résister à la levée de boucliers que la noblesse préparait contre elle dans le midi de la France et ne se souciait pas d’intervenir. De son côté, Mazarin, qui songeait à faire épouser l’une de ses nièces au duc de Caudale, fils du duc d’Épernon, était encore moins disposé que la reine à accueillir des réclamations auxquelles on cherchait à donner du retentissement. La régente essaya donc d’abord d’éconduire l’assemblée en lui proposant de traiter l’affaire avec quelquesuns de ses délégués ; mais les députés insistèrent, et Anne d’Autriche dut leur accorder audience et leur promettre que des arrêts du conseil mettraient un terme aux prétentions de d’îipernon. Plusieurs mois se passèrent, et les arrêts ne parurent pas. Lamoltesse qu’apportait le gouvernement en cette rencontre pour défendre les immunités du clergé acheva d’indisposer la compagnie. Tout en procédant à l’examen des comptes, elle rédigea des remontrances au roi. Il y était surtout question des protestans, dont les tentatives pour étendre la faible part de liberté qui leur avait été laissée inquiétaient les évêques. L’édit de Nantes n’avait cessé d’être chez ceux-ci l’objet d’objurgations à la couronne ; la prise de la Rochelle les avait enhardis à en réclamer l’abrogation.

Des dispositions aussi peu bienveillantes dans l’assemblée du clergé ne détournèrent pas Mazarin de solliciter un large subside. Le gouvernement était obéré, et les biens ecclésiastiques étaient la seule matière imposable dont on n’eût point abusé ; mais comment agir en présence des engagemens antérieurement pris de ne plus rien demander au clergé à titre extraordinaire ? Au lieu d’envoyer à la compagnie, comme cela se pratiquait habituellement, des commissaires pour spécifier la somme que le roi attendait de sa générosité, Mazarin préféra ouvrir une conférence entre trois commissaires