Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/291

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s’empressa d’aller rendre ses hommages. Elle le complimenta sur l’attitude qu’il avait prise. Poussée chaque jour davantage par la noblesse, par la princesse de Condé, qui lui écrivait en termes aussi pressans que l’avait fait six mois auparavant la princesse douairière, morte dans l’intervalle , l’assemblée s’engagea dans une opposition de plus en plus résolue contre Mazarin ; elle soutint les seigneurs qui récriminaient, le parlement qui proclamait l’innocence des princes détenus. Cet accord des trois corps principaux de l’état eut son effet. Les envoyés du roi et du duc d’Orléans partirent pour le Havre, où ils apportèrent l’ordre de la mise en liberté des princes, devancés bientôt par le messager du cardinal qui accourait avec une lettre de la reine pour les faire sortir de prison sans conditions. L’assemblée du clergé, toute fière d’avoir contribué à ce résultat, députa plusieurs de ses membres pour complimenter Condé. Cette politesse flatta fort le héros de Rocroi ; il s’empressa d’écrire à la compagnie pour protester de sa reconnaissance. Mazarin, qui ne voulait pas laisser gagner à ses ennemis un corps aussi puissant que le clergé, prit la précaution, avant de quitter la France, d’adresser à l’assem-" blée une lettre où il l’assurait de ses bons sentimens et du désir qu’il aurait toujours de la servir. Les députés répondirent par une lettre de civilité que l’archevêque de Reims, qui tenait en secret pour le cardinal, rendit la plus courtoise qu’il put. Mais l’esprit d’opposition à la politique du ministre ne s’adoucit pas pour cela ; la compagnie resta d’autant plus unie à la noblesse qu’elle cherchait en elle un auxiliaire contre le parlement, dont les résolutions inquiétaient le clergé. Pour rendre impossible le retour de Mazarin, le parlement avait, le 7 février, libellé un arrêt qui visait le ministre fugitif et tendait à l’exclusion des conseils du roi de tous les étrangers , même naturalisés , de toute personne ayant prêté serment à un autre souverain que le roi de France. La conséquence d’un tel arrêt était de fermer l’entrée des conseils de la couronne aux dignitaires ecclésiastiques qui depuis des siècles y avaient constamment figuré. La reine n’accepta cet arrêt qu’en déclarant qu’une exception serait faite pour tous les ecclésiastiques quant au serment prêté au pape, l’obéissance impliquée par ce serment n’étant promise qu’à l’autorité spirituelle du saint-père. Le parlement se refusa à admettre la restriction qu’avait introduite la déclaration royale et il insista sur l’exclusion des cardinaux pour que Mazarin pût tomber sous le coup de l’arrêt. Informée de ce qui se passait, l’assemblée du clergé jugea nécessaire d’opposer aux prétentions de la cour de justice une intervention énergique auprès du trône, et dans sa séance du 20 février elle décida qu’elle enverrait une députation au duc d’Orléans et au prince de Condé pour solliciter leurs bons offices en cette affaire, leur représenter ce