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que l’arrêt avait d’inique, et une autre députation à la reine et au roi pour lui adresser les remontrances du clergé. Les députés eurent audience d’Anne d’Autriche quatre jours après ; celle-ci, que le parlement pressait vivement de faire droit à sa réclamation au sujet de l’exclusion des cardinaux, se trouvait dans une grande perplexité. Il lui fallait ménager la première cour de justice du royaume ; pour ce motif, elle ne voulait pas avouer qu’elle n’avait nulle intention de sanctionner une sentence dirigée contre l’homme auquel elle gardait toute sa confiance et son affection. Elle craignait de s’en ouvrir trop franchement avec le clergé et de lui donner une réponse catégorique. Aussi, après avoir écouté le discours prononcé par l’archevêque d’Embrun au nom de la députation dont il était le chef, se borna-t-elle à balbutier quelques paroles qu’elle prononça si bas que presque personne ne les entendit. La harangue adressée nominativement au roi était pressante et énergique pour le fond, bien qu’adulatrice dans la forme : « La même voix, disait l’archevêque, qui a exprimé à Votre Majesté la douleur que le clergé de France avait conçue de la détention de MM. les princes de votre sang est celle qui produit aujourd’hui faiblement les justes actions de grâce que cet ordre sacré doit à Votre Majesté pour le bienfait éclatant de leur liberté. Nous ne pourrions éviter un reproche honteux à la plupart des hommes qui perdent facilement le souvenir des faveurs passées et qui s’acquittent avec négligence des vœux qu’ils ont faits à Dieu au milieu des périls, si nous n’employions tous les efforts possibles pour marquer à la postérité la joie de nos cœurs. » Ce début exprimait la confiance que le clergé mettait dans la protection qu’il réclamait du roi en l’occurrence, (c Nous avons appris, poursuivait d’Aubusson, que Votre Majesté, s’étant résolue d’envoyer une déclaration au parlement pour exclure de ses conseils ses sujets qui ont serment à autres princes qu’à elle, avait eu soin d’y faire insérer distinctement une exception particulière des archevêques, évêques et autres ecclésiastiques de son royaume, qui prêtent un serment spirituel à notre saint-père le pape, et nous avons su de même temps avec un étonnement extrême que cette modification avait reçu difficulté dans les chambres assemblées de messieurs du parlement, qui font des instances pressantes pour obtenir de Votre Majesté une déclaration conçue en des termes ambigus à l’égard des évêques et avec une exclusion expresse contre les cardinaux français, sujets de Votre Majesté. Nous avons eu peine à comprendre d’abord cette loi du temps qui semble renverser les lois fondamentales de l’état, cette réformation de votre conseil dans une conjoncture où nous sommes travaillés d’une multitude presque infinie de personnes qui se mêlent du gouvernement sans aucun caractère. » Puis, après avoir rappelé le nombre consi-