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avait agi avec les lettres de Retz et à en empocher la lecture au sein de l’assemblée ; mais les adhérens de l’archevêque exilé prirent les devans et s’arrangèrent pour le faire lire en séance sans attendre qu’on délibérât pour savoir si cette lecture aurait lieu. En cela ils usaient du droit qu’on avait toujours reconnu aux assemblées du clergé de recevoir directement les brefs du pape. Toutefois, pour ne pas trop mécontenter la cour, la compagnie décida, à l’instigation de l’archevêque de Narbonne, qu’une députation serait envoyée au roi afin de s’excuser d’avoir agi en l’occurrence avec précipitation et lui demander ses ordres touchant la lettre pontificale. Le monarque prit assez mal l’explication qui lui fut donnée par les députés ; il chargea le chancelier de faire connaître à l’assemblée ses volontés. La réponse fut formulée dans une longue harangue dont on attribua la composition à Servien, qui était alors l’âme de la résistance faite à la curie romaine, et où l’on accusait le pape de prendre parti pour l’Espagne contre la France. Ce discours tendait à engager l’assemblée dans une lutte contre le saint-siège. Mazarin profita habilement de ce que les termes du bref semblaient porter quelque atteinte à l’indépendance de l’église gallicane. Grâce à ses amis, il manœuvra si bien qu’une réponse au saintsiège, conforme à ses vues et d’accord avec les idées qu’avait exprimées le chancelier, fut rédigée par l’assemblée. Le pape, qui était informé des dispositions peu favorables à son égard que manifestait le gouvernement de Louis XIV, se montrait de moins en moins enclin à le soutenir dans toute cette affaire. Retz s’en aperçut et s’empressa de retirer la concession que le souverain pontife lui avait arrachée. Le 29 juin 1656 parvenait à l’assemblée une lettre du prélat fugitif qui révoquait la nomination par lui faite de Du Saussay comme grand-vicaire, en se fondant sur ce que celui-ci aurait méconnu les instructions du saint-siège aussi bien que celles de son archevêque. Retz fit plus ; il adressa un mandement à tous ses diocésains pour leur donner avis de la révocation. Les grandsvicaires qu’il avait précédemment nommés devaient par ses ordres pourvoir exclusivement à la conduite du diocèse. Du Saussay devant prendre bientôt l’évèciié de Toul, Retz s’empressait de le destituer de ses fonctions d’ofhcial et il nommait à sa place Guy Joly. Le gouvernement répondit à ces actes par l’arrestation de l’un des grands-vicaires dans lequel Retz avait mis sa confiance. L’abbé Chevallier fut envoyé à la Rastille ; craignant le même sort, son collègue l’abbé L’Avocat se cacha, et du fond de sa retraite il fit parvenir à l’assemblée une lettre où il l’informait des mesures prises contre Chevallier et implorait pour lui-même l’assisiaiice de l’auguste compagnie. Les députés, tout en soutenant les réclamations de Retz, n’entendaient pas cependant pousser les choses jusqu’à se