Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/304

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compromettre vis-à-vis du gouvernement royal. Ils eurent soin de ne rien décider toucliant les demandes de l’abbé L’Avocat, et afin de ménager la susceptibilité de la couronne, ils évitèrent de reconnaître officiellement à Chevallier le titre de grand- vicaire, quoiqu’on contestât si peu à Retz le droit de nomination que Du Saussay ne s’était même pas élevé contre la légalité de sa propre destitution. L’assemblée se borna à envoyer une dépatationau roi afin d’arranger l’affaire et de plaider en faveur du prisonnier. Chevallier, disait-elle, ne pouvait être puni pour avoir exécuté les ordres de son supérieur ecclésiastique, qui demeurait jusqu’à nouvel ordre le cardinal de Retz, celui-ci n’ayant subi ni excommunication ni déposition. Si ce prêtre, ajoutait l’assemblée, était coupable de quelque crime envers l’état, on devait lui faire son procès, non le retenir sans jugement à la Bastille. Les pourparlers entre la couronne et l’assemblée se continuèrent à ce sujet pendant plusieurs jours. Les députés tenaient bon sur le droit du cardinal de Retz, qui ne pouvait être contesté sans porter atteinte à l’indépendance épiscopale ; mais le gouvernement royal prétendait distinguer entre le droit et l’exercice du droit.

Mazarin voulait que l’assemblée pressât le pape d’obliger l’archevêque fugitif à nommer un nouveau grand-vicaire qui fut agréable à la cour, et si le prélat s’y refusait absolument, il était d’avis qu’on passât outre et qu’on désignât un grand-vicaire sans son assentiment. La compagnie refusait de se prêter à ce système de pression, et n’obtenant rien pour Chevallier, auquel le gouvernement reprochait ses incessantes menées en faveur de Retz, elle se contenta de proposer qu’on laissât l’administration du diocèse au curé de Saint-Sé vérin, qui avait aussi reçu de l’archevêque de Paris la commission de grand-vicaire. Mazarin, après plusieurs refus d’obtempérer à ce moyen terme, dut l’accepter à la fin, car il importait de ne pas se brouiller tout à fait avec une assemblée à laquelle il demandait de l’argent pour la guerre qui se continuait au nord de la France. Condé, appuyé par les Espagnols, opposait à Turenne, qui commandait les troupes royales, une résistance inquiétante. Les intrigues du cardinal de Retz à Rome pouvaient fournir un nouvel aliment à la guerre civile, et le salut du royaume exigeait qu’on apaisât au plus tôt l’agitation qu’elles entretenaient dans Paris. L’assemblée, de son côté, tout en cherchant à se soustraire aux exigences de la couronne, voulait éviter une rupture qui eût été aussi préjudiciable à l’église qu’à l’état. En maintenant que le curé de Saint-Séverin devait continuer ses fonctions, elle décida qu’elle enverrait une lettre au cardinal de Retz pour l’engager à nommer des grands-vicaires qui fussent agréables au roi. La cour comptait qu’en atermoyant elle .obtiendrait ce qu’elle désirait. Tandis qu’elle