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C’est toujours un sujet d’admiration pour l’historien de voir à la fin du moyen âge les arts et les lettres prospérer dans les divers états de l’Italie, alors même que ces états se trouvaient en proie aux guerres civiles et étrangères, tant devenaient irrésistibles et féconds l’essor intellectuel, le sentiment esthétique, l’ardeur de civilisation qui, sous l’empire d’un merveilleux concours d’influences lointaines et profondes, allaient animer cette contrée privilégiée. Il en fut ainsi pour Rome pendant le XVe siècle. Eugène IV, qui eut après Martin V un pontificat de seize années politiquement très agitées, de 1431 à 1447, était un homme d’esprit et de goût, qui entretenait de fréquens rapports avec les principaux humanistes, le Pogge, Léonard d’Arezzo, Aurispa, Flavio Biondo, George de Trébizonde, Cyriaque d’Ancône. À son instigation et par ses conseils, tout au moins avec ses encouragemens et son approbation, plusieurs d’entre eux adoptèrent Rome elle-même, son passé, ses ruines, l’état présent de ses édifices, pour sujets de leurs études spéciales. Il y avait du reste un mouvement déclaré en ce sens. Nous avons nommé Rienzi ; peu d’années après lui, en 1375, un médecin padouan, Giovanni Dondi, visitait Rome, et ses notes, qui subsistent dans un manuscrit de la bibliothèque de Saint-Marc, à Venise[1], sont d’un voyageur intelligent et sérieux. Il n’est pas exempt des confusions et des erreurs familières à son époque ; mais il réagit par un soin habituel d’exactitude et de critique. Quand il décrit un monument, il en donne les dimensions, il en compte les colonnes, il en copie de son mieux les inscriptions. En 1507, Brunellesco et Donatello prennent de même les mesures des thermes, des cirques, des temples, des basiliques. Le Pogge, écrivain pontifical depuis 1402, et qui le resta pendant huit pontificats, compose, lui aussi, sous Martin V, une précieuse description de Rome. — Eugène IV protégera de même Flavio Biondo, qu’on peut appeler l’un des créateurs de la science archéologique, car il s’appliqua l’un des premiers à la comparaison des monumens et des textes. Son livre, intitulé Roma instaurata, qu’il dédia en 1447 au pontife, est d’un grand intérêt, parce qu’il offre pour la première fois une étude topographique et un essai de restitution critique. À peine retrouve-t-on chez lui, à propos des sanctuaires chrétiens, quelques traits empruntés aux Mirabilia, avec lesquels son ouvrage n’a d’ailleurs aucun rapport. Il devait publier quelques années plus tard une utile description de l’Italie, Italia illustrata, d’après l’ancienne division en régions, puis un dernier ouvrage, Roma triumphans, où il esquissait avec une variété de connaissances remarquable

  1. XIV, 223, et non 233 comme dit le Corpus de Berlin, tome VI.