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pour son temps ce que nous appellerions aujourd’hui un traité d’antiquités romaines. — Cyriaque d’Ancône s’appliquait aussi au dessin scientifique des édifices de Rome. C’était le même ardent et dévoué antiquaire qui voyageait par toute l’Europe, et jusqu’en Asie et en Afrique, à la recherche des monumens, des inscriptions, des pierres gravées et des sculptures antiques. — Bernardo Ruccellai, l’illustre Florentin, beau-frère de Laurent de Médicis, donnait dans son principal ouvrage. De urbe Roma, l’exemple d’une critique et d’une précision élégante qui peuvent sembler aujourd’hui toutes modernes. — Pomponius Lætus enfin, épris de Rome et de ses antiquités, célébrait avec les savans membres de son académie, dans sa petite maison du Janicule, la fête des Palilia, jour anniversaire de la fondation de la ville éternelle. — Il était évident que Rome, voilée et méconnue pendant tant de siècles, retrouvait peu à peu un prestige accru et transformé, inspirant le respect par ses ruines, et, par sa parure chrétienne du moyen âge, exerçant un nouvel attrait. Le bruit se répandit un jour, pendant la seconde moitié de ce XVe siècle, qu’on avait retrouvé sur la voie Appienne un sarcophage antique où était ensevelie Tullie, fille de Cicéron ; le corps, demeuré intact, répandait, assurait-on, une odeur embaumée, il brillait d’une douce lueur, il respirait en dépit du temps dans la mort, — ou dans le sommeil, — la fraîcheur de la jeunesse. La foule émerveillée se pressa vers ce spectacle, et l’esprit public ne manqua pas d’y voir un symbole de l’antiquité classique ou de Rome même, comme rafraîchie dans son apparent repos et annonçant son prochain réveil.

Eugène IV seconda ces tendances nouvelles ; il encouragea les recherches des humanistes et des antiquaires, et en même temps il appela autour de lui d’habiles artistes. M. Müntz a publié à ce sujet de très curieux documens d’archives, qui montrent Angelico da Fiesole préludant dès lors, par des travaux aujourd’hui disparus, à ceux de la célèbre chapelle du Vatican, conservée de nos jours, qu’il devait commencer dès l’avènement de Nicolas V. Eugène IV eût employé Donatello, l’illustre Florentin, si les troubles civils et religieux n’étaient venus le contraindre une fois encore à s’éloigner. Il accueillit notre grand artiste français du XVe siècle, Jean Fouquet, qui exécuta, pour la sacristie de la Minerve, où on ne le retrouve plus, le portrait de ce pontife assisté de deux de ses familiers.

On doit à Eugène IV, pour ce qui concerne les monumens antiques, un double travail très méritoire. Ce fut en premier lieu une intelligente restauration du Panthéon. L’admirable coupole, ébranlée par les tremblemens de terre, fut consolidée ; ses majestueuses