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ici de la fleur du panier et non du rebut, et que jamais l’idée ne nous viendrait d’aller exhumer certaines momies du sein de leurs légitimes catacombes; si l’on tient à ce qu’il soit question d’Halévy, qu’on prenne la Juive, l’Éclair ou Charles VI, mais Guido et Ginevra! Quel singulier goût! Dédoublez le Théâtre-Français, vous avez l’Odéon, qui joue également le répertoire et forme des auteurs et des comédiens dont profite ensuite la maison mère. Pour qu’un Opéra populaire se constitue, il faut ainsi que des rapports mutuels s’établissent entre lui, l’Académie nationale et l’Opéra-Comique. L’Académie nationale donne ou prête la Muette, Robert le Diable, Guillaume Tell; l’Opéra-Comique donne ou prête la Dame blanche, Fra Diavolo, le Maçon, Zampa, le Pré~aux-Clercs, et l’Opéra populaire, en retour de ces riches cadeaux met à la disposition des deux scènes suzeraines tous les succès, tous les produits de son terroir. Le Faust de M. Gounod peut n’être point un grand chef-d’œuvre, mais c’est incontestablement un grand succès que le Théâtre-Lyrique a fait pousser et dont l’Académie nationale recueille depuis quinze ans les bénéfices. Il en sera de même d’un Opéra populaire qui, n’en doutons pas, une fois bien établi dans son domaine, saura payer à qui de droit ses redevances. Il se peut qu’à l’heure où j’écris, il n’y ait là qu’un rêve bon à faire sourire de pitié les afficionados de l’Assommoir et de la Petite Mademoiselle, mais ce rêve, un peu plus tôt un peu plus tard, s’accomplira, il s’accomplirait même tout de suite avec un peu de bonne volonté de la part du gouvernement, et pas ne serait besoin d’aller chercher l’organisateur. Le sujet qui nous occupe a fait l’étude d’un artiste de talent et d’expérience. M. Obin, l’ancien chanteur de l’Opéra que tout le monde connaît, ne s’est point contenté de disserter sur ce thème, il l’a creusé et développé jusqu’à en extraire tout un programme des mieux pensés et des plus pratiques. Sa paraphrase rédigée, ses conclusions déduites, ses comptes établis, il a communiqué le document à ceux qui devaient naturellement s’y intéresser. Eh bien, que croirez-vous? Personne n’y a pris garde et quand le ministre voudra donner un directeur subventionné à l’Opéra populaire, M. Obin ne sera seulement pas consulté. Mais quelle administration des beaux-arts avons-nous donc? Un artiste capable, informé s’il en fut, se présente, offre ses services, on reconduit; bien plus, il s’agit de s’attacher un maître dans la science de la mise en scène et de la déclamation lyriques, on a sous la main un ancien pensionnaire du théâtre, l’héritier immédiat de la grande tradition des Dérivis, des Nourrit et des Levasseur, professeur lui-même au Conservatoire, qui va-t-on prendre? Un comédien du Théâtre-Français. Ce n’est certes pas nous qui voudrions méconnaître l’esprit et les talens de M. Régnier; nous l’avons vu naguère remplissant, rue Richelieu, des fonctions du même genre, mais alors tout à fait appropriées à son aptitude. Ici, nous ne sommes plus