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des arrangemens aussitôt après ma rentrée en France pour que vous puissiez vous en ressentir et établir vos dépenses en conséquence; en attendant je vous enverrai de temps à autre quelques fonds. Vers la fin de ce mois, ou dans le courant de l’autre, je vous ferai passer 12 ou 1,500 francs; je vous prierai de donner sur cette somme de 2 à 300 francs à cette pauvre Fanchonnette (sa nourrice). Il n’est pas en mon pouvoir de lui rendre ce qu’elle a perdu, mais assurez-la que je lui donnerai des secours et que j’aurai soin de son aîné.

« Alexandre m’a fait part de vos projets de mariage pour lui. Connaissant l’amitié que je lui porte, vous ne pouvez douter du désir d’une réussite, si la jeune personne, aux conditions de la fortune qu’elle a, joint de bonnes qualités physiques et morales; mon amitié pour mon frère ne peut consister en des mots, et je me regarderais comme un très mauvais frère si, malgré que je ne tienne pas la brillante fortune que j’ai d’héritage, mais des bienfaits de mon souverain, je ne faisais rien que des vœux pour l’établissement d’Alexandre. Je vous autorise à annoncer que je m’engage à lui donner 100,000 francs; je paierai la moitié au moins de cette somme comptant; quant à l’autre moitié, les intérêts jusqu’au remboursement qui aura lieu au plus tard dans les deux ans. Indépendamment de cet avantage, vous pouvez lui donner et je vous autorise à lui céder tous les avantages que vous m’aviez faits pour mon mariage, c’est-à-dire la maison, le bien de ***, et même je m’engage à acheter du général de Beaumont le bien de Ravières à la condition qu’Alexandre ne pourra jouir de tous ces derniers articles qu’après votre mort, et lui et moi souhaitons que ce ne soit pas de sitôt.»


Alexandre Davout, militaire comme son frère, dont il était un des aides de camp, n’avait sans doute pas parcouru une aussi magnifique carrière que son aîné; cependant sa position n’était pas de celles qui sont à dédaigner. Il était colonel, baron d’empire, commandant de la Légion d’honneur, et à ces divers titres il réunissait encore une trentaine de mille livres de rente, dont le maréchal détaille les chiffres dans une seconde lettre à sa mère. C’est ce frère déjà si bien pourvu que nous venons de voir doter, et ce fait parle avec assez d’éloquence en faveur de la générosité du maréchal. Sa bienfaisance ne s’arrêtait pas à sa famille, ses officiers, ses serviteurs, ses anciens maîtres, ses amis, en ressentaient journellement les effets. Ici c’est une vieille nourrice qu’il soutient, là c’est un jeune aide de camp aux prises avec des embarras pécuniaires dont il veut payer les dettes, plus loin c’est un ancien professeur qu’il installe principal du collège d’Auxerre, une autre fois c’est un vieil ami de sa famille tombé dans l’indigence auquel il fait passer à diverses reprises des secours considérables. Quant à sa protection, il est toujours prêt à l’étendre sur quiconque en