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Les derniers grands travaux de l’empire avaient été, au IVe siècle, le cirque de Maxence, la basilique et l’arc de triomphe de Constantin. Encore ce dernier monument est-il composé de pierres sculptées ou taillées primitivement pour d’autres édifices; la célèbre inscription qu’il supporte, Instinctu divinitatis, etc., est gravée sur des fragmens de chapiteaux venus d’ailleurs; les bas-reliefs en sont empruntés à un arc de Trajan, qui était au forum. Constance II, par un effort remarquable à cette date, fait venir d’Egypte l’obélisque qui décore aujourd’hui la place de Saint-Jean-de-Lateran. Honorius répare les murs d’Aurélien... Ce sont là les dernières preuves d’énergie que les Romains de l’empire savent donner. Au milieu du VIIe siècle, l’empereur grec Constant II voit encore les chevaux dorés de l’arc de triomphe qui ornait le grand cirque, ainsi que les tuiles dorées du Panthéon. Léon IV construit contre les Sarrasins les vastes murs de la cité léonine vers l’année 848; mais la décadence monumentale de Rome n’en est pas moins irrévocablement engagée. Non-seulement on ne sait plus édifier, mais on ne sait plus relever ce qui s’est abattu ou ce qui penche vers la ruine. Une sorte de renaissance qui s’est montrée pendant la période carlovingienne n’a pas duré. Les industries ou les arts annexes à l’architecture se perdent et les traditions antiques s’oublient : il n’y a plus de traces de mosaïques exécutées dans Rome entre le IXe siècle et le commencement du XIIe jusqu’à celles de Sainte-Françoise-Romaine et de Sainte-Marie-du-Trastévère (1130). On ne fabrique plus les grands ouvrages de bronze, et ce bel art, qui avait produit des merveilles dans l’antiquité la plus reculée, exilé à Constantinople, n’en reviendra aussi qu’aux premières années du XIIe siècle. Pour deux cents-ans au moins, nous sommes dans la triste Rome des Mirabilia.

Ce petit livre, guide populaire des pèlerins, et qui a été si répandu pendant quatre cents ans, offre la parfaite image de la confusion et de l’abaissement général. Les légendes chrétiennes y enveloppent tellement les réminiscences classiques, et sont elles-mêmes ensuite si entièrement défigurées par l’ignorance commune qu’on en est réduit, toute notion précise s’étant évanouie, à se diriger d’après les apparences extérieures et sur de simples consonnances n’offrant aucun sens déterminé. Le tombeau de Cecilia Metella prend le nom de Capo di Bove à cause des bucrânes sculptés à sa frise; les thermes de Caracalla, Terme Antoniniane, deviennent le monument d’Antignano"; le cirque d’Alexandre Sévère, appelé, comme tous les cirques au moyen âge agôn ou in agone, c’est-à-dire lieu de combat, reçoit de là son nom actuel bien connu de place Navone. La tour qui servait, au bord du Tibre, un peu en amont