Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/956

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situation que plus que tout autre il a contribué à créer, qu’il vient d’aggraver par sa récente campagne en appelant à son aide des passions auxquelles il livre l’article 7, qui lui répondent par l’amnistie. Amnistie et article 7, tout se tient et s’enchaîne dans la mauvaise politique qui prépare les crises inévitables.

Avant que le dernier moment soit venu, avant que le parlement rentré à Paris ait à décider, examinons avec quelque sang-froid, sans rien exagérer et sans rien déguiser. Où est la faiblesse réelle de cette situation visiblement troublée et menacée qui existe aujourd’hui ? D’où provient-elle, cette malheureuse faiblesse ?

Elle n’est point sans doute dans le fond des choses, elle ne tient pas essentiellement à la nature du régime qui a été donné à la France, elle n’est pas la fatalité de la république, d’une république régulièrement et libéralement organisée. Mettre en cause à tout propos cette république constitutionnelle, c’est le thème commode des polémistes à outrance de tous les camps, des partis extrêmes de toutes couleurs, de ceux qui vont aux banquets royalistes du 29 septembre et de ceux qui vont aux banquets révolutionnaires du 21 septembre, radicaux de droit divin ou radicaux de démagogie, qui vivent dans l’absolu de leurs rêves et de leurs passions. Il faut rester dans la vérité simple et légale. La faiblesse de la situation présente n’est pas dans les institutions qui, appliquées avec une intelligente fidélité, suffiraient parfaitement à tout, qui ont le souverain avantage d être une œuvre de raison pratique, d’expérience et de transaction. Elle n’est pas non plus dans la politique générale qui est suivie : cette politique a pu avoir ses incertitudes et payer quelquefois rançon à des nécessités du moment, elle a su en fin de compte se défendre des représailles de parti, des conseils violons. La cause des évidentes faiblesses de notice situation intérieure n’est point enfin dans l’ensemble, dans les principaux membres du gouvernement. M. le président de la république, à défaut de l’initiative qu’il ne se croit peut-être pas permise, est un homme de légalité et d’intégrité. Il accepte son rôle d’arbitre un peu philosophe, de sage, se plaisant, dit-on, à répéter qu’il faut « laisser tout dire et ne rien laisser faire, » — bien entendu ne rien laisser faire qui puisse troubler la paix publique. L’opinion n’a que de l’estime pour lui, et M. Jules Grévy n’a nullement besoin des banales flatteries de quelques harangues officielles pour être entouré du respect public dans le poste qu’il occupe avec une dignité sans faste. M. le président du conseil est certainement, auprès du chef de l’état, un ministre aux intentions droites, au jugement calme, qui depuis deux ans a eu le mérite de diriger avec mesure nos affaires extérieures, d’inspirer toute confiance aux chancelleries, et à l’heure qu’il est sa retraite serait peut-être une épreuve pour nos relations. M. le ministre des travaux publics est un esprit trop